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d’abord et ne reviendra qu’après fortune faite à la littérature. Il se fait éditeur, s’associe à Urbain Canel : ses tentatives d’éditions compactes échouent. Il gagnera donc par l’imprimerie ce que l’édition n’a pu lui donner. La protection de M. de Berny lui facilite l’acquisition d’un brevet d’imprimeur qu’il obtient en 1826. Associé d’un proie habile nommé Barbier, il s’établit 17, rue des Marais-Saint-Germain (actuellement rue Visconti.) Nouvel échec. Il faut tenter autre chose et, en 1827, il joint à l’imprimerie une fonderie de caractères, qui ne tarde pas non plus à péricliter : la bourse des Balzac est à sec, Mme de Berny, héroïque, se dévoue et commandite la nouvelle affaire. Mais son effort est vain. La fonderie ne réussit pas mieux que les précédentes entreprises, la faillite est imminente et, au milieu de 1828, Balzac aux abois abandonne la partie. Un cousin, homme d’affaires expérimenté, liquidera la situation et la courageuse Mme de Berny reprendra la fonderie au compte de son fils Alexandre.

Sous le coup de tant de désastres, Balzac ne plie pas, car « l’Ange » est à son côté qui le soutient et le protège. Pour payer sa formidable dette, Balzac va de nouveau prendre la plume et ne la quittera plus jusqu’à la mort. Les Chouans et la Physiologie du mariage inaugurèrent en 1829 cette nouvelle période pendant laquelle va s’élaborer la Comédie humaine et dont presque chaque année sera marquée par un chef-d’œuvre. Et jusqu’en 1836, jusqu’à sa mort, pendant sept années encore, la Dilecta continuera son œuvre bienfaisante. Chaque jour, de la rue d’Enfer, où elle habite, elle s’en ira rue de Tournon ou rue Cassini, consoler, soutenir, conseiller son enfant, comme au temps de l’imprimerie, dans la petite chambre bleue de la rue des Marais-Saint-Germain; absente, elle écrira, souvent, longuement. Malgré les amours passagères, malgré Maria, Louise, les amourettes, les caprices, malgré Mme d’Abrantès, malgré Mme de Castries, Balzac gardera pour la Dilecta vieillissante la plus noble part de son affection, la plus ardente reconnaissance. Et c’est le cœur plein d’elle qu’il écrira la Peau de chagrin, Louis Lambert, le Lys dans la vallée. C’est auprès d’elle, avec elle, à la Grenadière, à Saint-Firmin, à la Bouleaunière qu’il ira chercher le grand calme nécessaire à l’enfantement d’une œuvre, ou le repos après les orgies de labeur : à Saint-Firmin il composera le Curé de Tours,