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RÉFLEXIONS D’UN VIEUX CRITIQUE
SUR
LA JEUNE LITTÉRATURE

La littérature française est une chose vivante, et la vie contient toujours des possibilités qu’on ne peut prévoir. Je n’essaierai donc pas d’annoncer ce que notre littérature sera demain : je me contenterai d’indiquer quelques conditions actuelles de la production littéraire, qui paraissent de nature à en déterminer certains caractères, et quelques directions qui se laissent apercevoir, sans qu’on puisse affirmer quelle est celle qui l’emportera demain, ni même s’il y en a une qui l’emportera : peut-être cèderont-elles toutes la place à quelque chose qui ne se laisse pas encore discerner.


Un fait me frappe, qui permet un grand espoir : l’abondance et la sincérité des vocations littéraires. La médiocrité, évidemment, ne manque pas ; mais il y a vraiment dans les jeunes générations apparues depuis dix ou quinze ans, beaucoup de talents très divers et très distingués. Il me suffira d’en nommer quelques-uns que la mort a pris, leur œuvre à peine commencée : Alphonse de Chateaubriant, Emile Clermont, Alain Fournier, Nolly, Despax, Charles Muller, Adrien Bertrand, Guy de Cassagnac, Ernest Psichari, et combien d’autres, frappés, comme la plupart de ceux que j’ai nommés, sur les champs de bataille d’Occident ou d’Orient.

Un autre fait est apparent et incontesté : il n’y a plus