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qu’en David, il y avait un philosophe et un peintre. Le philosophe, esprit faible, et facilement influençable, ballotté en sens contraires par tous les reflux de la Révolution, le bras toujours tendu pour des serments contradictoires : — serment des Horaces, — serment du Jeu de Paume, — serment des Aigles, — serment de Léonidas, — séduit comme tous les esprits faibles par la rigueur des théories absolues, trottant derrière Winckelmann comme derrière Robespierre, était un assez pauvre homme. Mais le peintre, artiste de tempérament, ne laissait pas de comprendre et même d’éprouver, à part soi et comme en cachette du philosophe, la beauté de l’Art le plus éloigné du sien. Il comprenait Gros, sentait le charme de Prud’hon, trouvait à admirer chez le Pérugin et les Primitifs, défendait même à l’occasion Boucher contre les excès de la réaction qu’il avait déchaînée.

Alors, ses jeunes troupes s’effaraient et n’étaient pas loin de crier à la trahison. Ses disciples dénués de talent et plus encore de génie, comme Fabre, Maurice Quai, Perrier, Colson, Moriès, Ducis, Saint-Aignan et une foule d’autres barbus d’avant-garde, tout à fait incapables d’éprouver les griseries de la couleur ou l’esprit du dessin, masquaient la pénurie de leur apport par l’intransigeance de leurs proscriptions. Ayant donc adopté avec enthousiasme le programme sévère de Winckelmann, ils se demandaient pourquoi leur maître faisait encore quelque chose pour la peinture. Ils ne trouvèrent nullement qu’il fût assez « grec » dans les Sabines, ou du moins ce n’était plus qu’un grec de la décadence. Il fallait donc remonter jusqu’aux premiers, jusqu’aux Primitifs, pour retrouver le secret de la beauté pure. Voilà le cri des jeunes révolutionnaires proféré, dès 1802, cent ans avant qu’il redevînt, à Paris, l’épithète laudative par excellence, et cinquante environ avant que les Nazaréens allemands et les Préraphaélites anglais en fissent leur mot d’ordre.

Dès lors, puisque le Beau idéal était là, pourquoi s’embarrasser des progrès de l’Art, et du métier, depuis Phidias et surtout de la peinture, depuis la Renaissance ? Le chef de cette secte des Penseurs ou des Primitifs de 1802, Maurice Quai le proclamait : « Tant que les modèles de mauvais goût, tels que ceux qui proviennent de l’art italien, romain, ou même grec en remontant jusqu’à Phidias exclusivement, seront