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mouvements qu’exprime le mieux la statuaire, à ceux qui se profilent bien de tous les côtés et qui s’expliquent tout seuls sans une ambiance de figures ou de choses complices ou hostiles.

L’Ecole fait complète abstraction des vertus propres à la peinture. Elle oublie tout ce qu’elle peut rendre de transitoire, d’éphémère, d’impalpable, de nuancé. Winckelmann écrit froidement : « La véritable grandeur a un degré de permanence et de consistance qu’on ne peut trouver dans les émotions passagères et momentanées des passions volontaires. » Et David, fidèle écho, déclare : « Je veux essayer de mettre de côté ces expressions de théâtre auxquelles les modernes ont donné le nom de « peinture d’expression. » J’aurai de la peine à faire adopter de semblables idées dans notre temps. On aime les coups de théâtre et quand on ne peint pas des passions violentes, quand on ne pousse pas l’expression en peinture jusqu’à la grimace, on risque de n’être ni compris ni goûté. » Il s’y risque pour sa part et applique à toutes ses figures un masque béat, tout à fait neutre, ou bien une expression stéréotypée : douleur, surprise, colère, joie, fournie par l’Antique. Le corps tout entier est campé selon cette norme. Les gestes ne sont pas choisis pour leur vérité ou leur efficacité, ni même pour la révélation qu’ils font de la machine humaine, encore moins pour leur nouveauté mimique : ils sont choisis un peu pour leur signification dramatique, comme dans le Socrate ou le Bélisaire, mais surtout pour leur équilibre harmonieux, comme dans le Romulus des Sabines. On en vient à ne plus guère chercher que des arabesques de bras et de jambes développées dans l’espace irréel, uniquement selon une idée qu’on a de leur beauté. Ce sont des machines qui fonctionnent à vide.

Ainsi groupées, posées et dessinées, comment les figures seront-elles éclairées ? De façon à accuser le plus nettement possible leur perfection linéaire. Donc, pas de ces clairs-obscurs où se noie une partie du dessin : tout sera visible, tout défini, tout profilé sur fond neutre, avec juste assez d’ombre pour « faire tourner » les bras, les cuisses, les torses des héros. On s’est donné trop de peine pour tracer cette fameuse « ligne de beauté », voulue par Winckelmann, il ne faut pas que rien s’en perde dans l’ombre. C’est le rhéteur qui a fait une belle phrase et veut la placer, coûte que coûte, parce qu’il ne sait pas s’il la