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POUR LE CENTENAIRE DE FLAUBERT

DISCOURS À LA NATION AFRICAINE


« In eâdem mecum Africa geniti… »
(Tite-Live, xxx-11).


À l’occasion du centenaire de Gustave Flaubert, des personnalités tunisiennes m’avaient demandé de prendre la parole à Carthage, aux lieux mêmes qu’a décrits l’immortel auteur de Salammbô, sur cette colline de Byrsa que le génie latin a conquise à la fois par les armes et par la poésie, la colline de Scipion de Virgile, de saint Cyprien et de saint Augustin, de saint Louis de France, de Flaubert et de Lavigerie. Pour des raisons que j’ignore, ou que je n’ai point à apprécier ici, ce projet n’a pas eu de suite. Je le regrette, — et cela sans la moindre arrière-pensée personnelle, — uniquement parce que c’était une circonstance insigne et particulièrement propice pour faire entendre aux indigènes, aussi bien qu’aux colons des métropoles latines, des paroles de concorde, et pour les conviera célébrer avec nous un passé, dont le culte doit nous être commun.

Quoi qu’il en soit, voici le discours que j’aurais prononcé à Byrsa et que les lecteurs de la Revue me permettront de soumettre à leur bienveillante attention.

L. B.

Hommes Africains,

Je n’ignore point certes que nous ne sommes pas encore, — et même, que nous n’avons jamais été, — une nation. Mais il sied de parler beaucoup et souvent de ce qui n’est pas encore, ou de ce qui n’est plus, ne fut-ce que pour le faire naître ou renaître. Et je dis : nous, car vous me pardonnerez, je l’espère, si je me compte parmi les vôtres, et si je me considère comme un Africain d’adoption. Dix années, qui furent les plus