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Elle ajoute qu’en autorisant les Turcs à transporter leurs troupes sur territoire syrien, nous leur ouvrons le chemin de la Mésopotamie. Mais que l’Angleterre se rassure ; nous serions là pour la leur fermer.

Aucune des clauses des accords d’Angora ne saurait, en effet, être dirigée contre nos alliés et nous sommes prêts à leur en donner la preuve. Avec une bonne volonté mutuelle, nous arriverons vite à dissiper les malentendus qu’au premier examen, a créés la convention. Mais encore va-t-il falloir causer, et causer amicalement ; et il ne semble pas que ce soit à Washington que puissent avoir lieu ces conversations urgentes. Le Cabinet britannique aurait désiré la prompte réunion d’un Conseil suprême. Je n’ai pas personnellement beaucoup de goût pour cette institution et je crois préférable que, tout au moins pour commencer, les ambassadeurs soient chargés des entretiens ; mais, pas plus que les autres difficultés, celles que soulève la question d’Orient ne se régleront toutes seules, à la faveur du temps et, comme M. Bonnevay n’a pas, je pense, l’intention d’achever, en l’absence du Président du Conseil, le remaniement du Traité de Sèvres, voilà pour nous de nouvelles raisons de désirer le rapide retour de M. Briand.

Je sais bien qu’autour de lui, on fonde de très grandes espérances sur son voyage. On compte sur sa finesse, sur son tact, sur sa force de séduction, qui sont incomparables, pour réaliser je ne sais quels prodiges. On le voit, comme Jason, dompter, dans les pays lointains, les taureaux au pied d’airain, tuer les géants nés des dents du dragon et rapporter la toison d’or. Tantôt, c’est notre dette envers les États-Unis dont on veut qu’il lui soit fait présent ; tantôt c’est le pacte d’assistance militaire dont on assure qu’il saura assurer la résurrection. Si j’ose exprimer mon avis, je dirai très simplement que, dans le cas où M. Briand reviendrait après avoir obtenu, par impossible, l’un ou l’autre de ces avantages, il aurait mérité la reconnaissance nationale ; et que, si, au contraire, il rentrait les mains vides, nous ne devrions ni nous en étonner, ni nous en prendre à lui.

Il aurait les meilleures raisons à invoquer en faveur de la remise de notre dette. Elle a été contractée en Amérique, pendant la guerre, non pas seulement pour la défense de notre territoire, mais pour la sauvegarde des droits du monde entier. Elle a été utilisée à l’achat d’un matériel qui n’a pas exclusivement servi à nos armées, mais aussi plus tard aux armées américaines. Elle a aidé à préparer le triomphe de la cause commune, à un moment où les républicains, qui sont aujourd’hui au pouvoir, reprochaient à M. Wilson et aux