Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pontificat actuel, autant qu’on en peut juger par son attitude extérieure et générale, marque décidément des sentiments plus empressés, plus paternels, plus confiants surtout, à ces fils d’Orient qui viennent pour la plupart d’essuyer tant d’épreuves et auxquels il ne manque que la componction pour ressembler un peu à l’Enfant prodigue. Aussi bien faut-il convenir que le protestantisme anglo-saxon a déployé, depuis la guerre, un effort de prosélytisme dont il était bien impossible qu’on ne fût pas ému à Rome. L’Interchurch World Movement, qui vise à une sorte de fédération des Eglises protestantes, et l’activité de la propagande méthodiste, avec concours de boy scouts, jusqu’en Italie, avaient déjà de quoi donner de l’inquiétude ou de l’importunité au Vatican. Mais nous verrons tout à l’heure que, de surcroit, l’anglicanisme accentue ses avances à la chrétienté orientale, et vise, à son tour, « à réaliser l’unité chrétienne par l’Orient. » Ceci est un acte direct de rivalité qui porte sur le terrain même où le Saint-Siège se place, et où nous nous efforçons de le suivre au cours de cette étude.


* * *

Tel est l’état d’une grande question religieuse dont l’intérêt traditionnel semble dès à présent dépassé par l’intérêt qu’elle est appelée à prendre. Jadis, quand l’idée de chrétienté était assez vivante pour que rien d’important ne pût se produire dans l’ordre international sans qu’il en fût tenu compte, le fait que le Saint-Siège mit les ressources de sa politique propre au service de la réconciliation des deux Rites eût exercé sur la politique générale une influence constante. Aujourd’hui que le mot de chrétienté n’offre plus guère qu’un sens historique, il manque peut-être à cette question un aspect central. En revanche, elle abonde en aspects particuliers, variables avec les intérêts d’État à travers lesquels elle s’insinue.

Son domaine géographique, tout d’abord, s’étend à l’ensemble de l’Orient européen et méditerranéen, c’est-à-dire à une zone peuplée de quelque trois cents millions d’âmes, et dont l’état politique, considéré en général, s’est caractérisé jusqu’ici par une influence sensible de l’état religieux sur les classifications ethniques, les mœurs, le droit public, le fondement et l’exercice même du principe d’autorité. Comparés à l’Occident, ce sont peut-être des pays, — nous parlons toujours en général, — où la