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filles, mes gendres désirent bien que leur hommage vous soit présenté. Croyez que je suis bien tendrement occupé de vous et du désir de vous revoir. Mon cœur jouit doublement de sa confiance en votre amitié et de celle que je vous ai vouée pour la vie.

LA FAYETTE.

J’aime à vous répéter combien l’objet de notre culte a droit à vos touchants regrets par les sentiments dont elle était pénétrée pour vous. Elle se plaisait à exprimer sa reconnaissante sensibilité pour les marques d’amitié que nous avions reçues de vous dans tous les temps, et il m’est permis d’ajouter : la satisfaction qu’elle éprouvait à vous entendre parler de moi. Aucune de vos actions ni de vos expressions relatives à nous n’avait été perdue pour son cœur. Je regrette plus que jamais que vous ne vous soyez pas arrêtée à La Grange, à l’époque de ce départ qui fut pour moi la dernière occasion de recevoir ses commissions pour vous et de vous parler en son nom de son attachement et de ses vœux.


XIII

Votre aimable fils[1] est venu me voir, chère madame, et je vous prie de vous joindre à moi pour remercier M. de Sabran[2]de ce qu’il a bien voulu m’accorder aussi le plaisir de le recevoir à La Grange. Ces Messieurs m’ont trouvé trop malade pour leur faire les honneurs de ma ferme ; c’est piquant pour moi. Vous vous moqueriez de ma peine, si c’était vous que je fusse assez heureux pour avoir à promener ici ; cette petite

  1. Le fils de Mme de Staël dont parle ici La Fayette était le baron Auguste de Staël né en 1790 et mort en 1827. Il hérita de sa mère le château de Coppet qui passa à sa veuve la baronne de Staël née Vernet, morte en 1876. Celle-ci l’a laissé à la comtesse d’Haussonville, ma mère.
  2. Le comte Elzéar de Sabran était le fils de la très charmante Mme de Sabran, dont la correspondance avec le chevalier de Boufflers a été publiée. Il était des familiers de Mme de Staël et a fait plusieurs séjours, à Coppet où une pièce de lui, Les deux Fats ou le Grand Monde, a été jouée. Le manuscrit de cette pièce se trouve dans les archives de Coppet. Quand Mme de Staël tomba en disgrâce, Elzéar de Sabran lui écrivit et cette lettre interceptée valut à son auteur une détention sans jugement à Vincennes. Elzéar de Sabran composait également des fables dont le Prince de Ligne a dit qu’elles étaient les plus jolies qui eussent paru en France depuis La Fontaine. Il publia en 1817 un poème intitulé Le Repentir, qui n’eut aucun succès.