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Lally[1]ne seront pas encore partis pour leur voyage méridional ; ils me préviendront de leur marche pour que j’arrive à temps. Je serai de retour le 20, et ma femme à la fin du même mois, de manière qu’à commencer du 10 brumaire, vous êtes sûre de nous trouver ici l’un et l’autre. Mme de Simiane[2]passera avec nous le mois de frimaire et une partie de nivôse ; Mme de Tessé viendra en décembre ; M. Benjamin Constant vous accompagnera, j’espère, dans votre bonne visite à La Grange. Je vous prie de vouloir bien lui parler de moi et je vous offre de tout mon cœur l’hommage de ma tendre et reconnaissante amitié.

LA FAYETTE.

Ma femme et mes enfants me prient de vous adresser l’expression de leurs sentiments pour vous.


V

La Grange, 29 nivôse.

Je vous remercie, chère madame, de m’avoir adressé votre roman[3]et un bien aimable billet ; je vous remercierai plus

  1. Le marquis Gérard-Trophime de Lally-Tollendal, député de la noblesse à l’Assemblée constituante, était le fils de l’infortuné Lally-Tollendal qui avait été injustement condamné pour avoir rendu Pondichéry aux Anglais. Il s’était consacré à obtenir la cassation du jugement de condamnation et il y parvint en 1778. Comme il était un peu gros et larmoyant, on l’avait surnommé : le plus gras des hommes sensibles. Il entretenait depuis de longues années avec la princesse d’Hénin une de ces liaisons publiques assez fréquentes autrefois et que l’opinion indulgente finissait par considérer comme un mariage.
  2. La comtesse de Simiane, née de Damas d’Hautefort, passait pour avoir été une des femmes les plus charmantes de l’ancienne société. On disait d’elle « qu’il était impossible de la voir sans penser à lui donner une fête. » Elle avait passé plusieurs mois en prison, refusant de courir les chances d’une évasion à laquelle Mme de Staël s’était intéressée également et fut sauvée par le 9 Thermidor. Elle vécut jusqu’aux environs de 1830.
  3. Il s’agit ici de Delphine, qui avait paru en décembre 1802 et qui avait été vivement attaquée. L’ouvrage avait déplu au Premier Consul. « Vagabondage d’imagination, désordre d’esprit, métaphysique de sentiment, » c’est ainsi qu’il l’a qualifié. A sa suite, toute la presse qui lui était dévouée s’était acharnée contre le roman et contre l’auteur.