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Helsingfors, n’avait pas écouté les conseils de ceux qui le pressaient de partir pour le Nord. Il fut arrêté, conduit à Pétrograde, et de là exilé à Wologda. Le Grand-Duc put s’installer dans le voisinage du grand-duc Dimitri. Les trois Grands-Ducs se trouvaient donc réunis, groupés dans l’ordre suivant : près de la rivière, sur la rive gauche, le grand-duc Nicolas ; non loin de la rivière, sur la rive droite, le grand-duc Dimitri ; puis le grand-duc Georges, accompagné de son lidèle domestique Matoroff.

Dès son arrivée, le grand-duc Georges ne manqua pas un jour de venir déjeuner chez son frère. Le grand-duc Nicolas ayant coutume défaire la sieste après le déjeuner, nous restions, le grand-duc Georges et moi, à causer. Je m’ingéniais à prolonger la conversation : le pauvre Grand-Duc me faisait tant de peine ! il était si malheureux d’être [séparé de sa famille ! Charmant homme et plein de cœur, il adorait sa femme, la grande-duchesse Marie Georgiewna et ses deux filles les princesses Nina et Xénia, et passait ses journées à leur écrire. Il s’était toujours tenu à l’écart de la politique, s’enfermant dans ses fonctions de président du musée Alexandre III. Nous fîmes une tentative pour lui procurer, par une ambassade, les moyens de partir ; hélas ! nos démarches furent sans succès.

Le Grand-Duc avait reçu la nouvelle de la mort du prince Georges Cherwachidzé attaché à Sa Majesté l’Impératrice douairière. Cette mort nous fit beaucoup de chagrin et fut pour tous deux un deuil véritable : nous aimions beaucoup le prince, et le tenions en haute estime. Pour notre pauvre souveraine, c’était une perte cruelle.

La Pâque russe devait avoir lieu le 26 avril. Vers la fin de la semaine sainte, la famille d’un propriétaire des environs nous envoya un grand panier de provisions, ainsi qu’au grand-duc Georges. Le printemps approchait à grands pas, le temps était beau, la neige fondait à vue d’œil, la rivière se gonflait, on ne pouvait plus la traverser à pied. La nuit de Pâques fut superbe, tiède et douce ; c’était un coup d’œil magnifique de voir toutes ces églises éclairées. Nous nous souvînmes, le Grand-Duc et moi, d’une autre nuit de Pâques encore plus belle ; c’était au Caucase dans sa belle propriété de la montagne ; il y avait une quinzaine d’années de cela. Comme tout avait changé !

Beaucoup de personnes vinrent se présenter au Grand-Duc le