Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
REVUE DES DEUX MONDES.

lettre, sa restriction favorite : « jusqu’à la limite de la capacité allemande de prestations. » Réserve ambiguë, qui permet toutes les échappatoires. Il a ajouté, avec l’évidente intention de répondre à quelques-unes des déclarations de M. Briand : « Le cabinet avait le droit d’espérer qu’en raison des sérieux efforts qu’a accomplis l’Allemagne pour faire honneur à sa signature, les ports de la Ruhr seraient évacués, et qu’en ce qui concerne la Haute-Silésie, serait trouvée une solution conforme au sentiment de justice du peuple allemand. »

En quelques mots, M. Wirth s’est alors efforcé de démontrer l’iniquité commise par la Société des nations et par les Gouvernements alliés. On a arraché à l’Allemagne un morceau d’elle-même ; on lui a dérobé des cités florissantes et les quatre cinquièmes des usines de Haute-Silésie ; on a placé, dans le lot échéant à la Pologne, des populations d’origine et de langue allemandes qui, contre le droit « de libre détermination des peuples et contre les clairs résultats du plébiscite, vont passer sous la domination étrangère. » Ainsi parle le plus « francophile » des hommes d’État allemands, le plus raisonnable, le plus modéré ; et il ne se demande même pas si, dans la partie laissée à l’Allemagne, ne resteront pas demain des populations, plus nombreuses encore, d’origine et de langue polonaises. Mais non : il poursuit simplement son dessein, qui est celui de toute l’Allemagne et qui se révèle dans sa conclusion : « Le cabinet a pleine conscience que les limites des capacités de prestations et des facultés d’exécution de l’Allemagne sont sensiblement réduites par la décision imposée et qu’ainsi une situation nouvelle est créée pour la politique d’Empire. » C’est donc en vain que le Conseil de la Société des Nations aura dépensé des trésors de patience et de probité intellectuelle dans l’étude de cette redoutable question ; en vain qu’il aura imaginé de créer une longue période de transition et de laisser à l’Allemagne, pendant des années, toute sorte d’avantages économiques. Appelons les choses par leur nom : le chantage recommence.

Peut-être y avait-il un moyen de l’éviter ; c’eût été de ne pas faire un tout des deux décisions, relatives l’une à la frontière, l’autre aux arrangements prescrits. Si les Alliés avaient dit à l’Allemagne : « Que vous vous entendiez ou non avec la Pologne sur les chemins de fer, l’eau, l’électricité, le service postal, le régime douanier, les charbons et les produits miniers, la frontière restera telle qu’elle est tracée, » il est probable que l’Allemagne eût réfléchi avant de provoquer une agitation nouvelle. Mais la lettre que M. Briand, en qualité