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corriger le mauvais langage. Le jeune Des Réaux devint, auprès de Mme d’Harambure, le rival de l’abbé : ce ne sont pas deux religions qui se trouvent aux prises, mais deux sortes de badinage. Des Réaux composa, en forme de rondeaux, une Résolution de déclarer son amour et une Protestation d’amour respectueux. Mme d’Harambure le traita comme un écolier. Dont il profita. Elle ne craignit pas de le recevoir quand elle était à sa toilette et n’avait pas encore ses bras, ses épaules, sa gorge tout à fait cachés. Elle le baisait au front, tant et si gentiment qu’elle s’aperçut qu’il fallait prendre garde et n’être pas étourdie. Alors, Des Réaux, privé de caresses, mit en rondeaux sa mélancolie.

Pour se consoler d’une avanie que lui infligeait la cruelle, il aima de son mieux la femme d’un conseiller au Parlement, Mme du Candal, qui lui jura un grand amour, mais afficha une vertu très incommode. Chaque fois que Des Réaux semblait empressé, elle appelait ses trois enfants et les plaçait comme un rempart entre elle et lui. Des Réaux faisait sa vaine cour à Mme du Candal, quand Mme d’Harambure, atteinte de la petite vérole, se défigura.

C’était la coutume, dans le quartier Saint-Eustache, que les jeunes gens, à tour de rôle, offrissent aux belles dames et gentils garçons du voisinage le plaisir des violons et de la danse. Le soir du bal que donna Des Réaux, il y eut grande assemblée. Les portiers et domestiques des Tallemant durent écarter à coups de poings, nombre de laquais malappris. Et l’on dansa. L’on dansait, lorsque la porte de la maison fut heurtée, secouée. Un cuisinier, par le trou de la serrure, passa une longue lame. Des cris éclatèrent. Les cris venaient d’une troupe dans laquelle on remarquait Charles de Lorraine, prince d’Harcourt, et ses deux frères, les ducs d’Elbeuf, princes lorrains. Ils venaient danser, puisque l’on dansait. Et la longue lame du cuisinier, qui donc avait-elle blessé ? Charles de Lorraine, prince d’Harcourt ! Il fit un esclandre. Des Réaux ne savait où se cacher. Mais on appela un chirurgien qui pansa le prince. Des Réaux dit qu’en somme ce n’était point sa faute. Et les princes lorrains dansèrent sans plus de rancune avec les bourgeoises du quartier Saint-Eustache, très flattées.

Une aventure de Tallemant, très singulière et qui montre les mœurs de l’époque très différentes de ce qu’on se figure, c’est le voyage qu’il fit en Italie, à vingt ans, avec deux de ses frères et un troisième compagnon fort imprévu, l’abbé de Retz. Celui-ci avait à peu près vingt-cinq ans. Sa réputation ne valait rien, à certains égards. Richelieu l’accusait de plusieurs méfaits : on n’aurait point affirmé qu’il n’eût assassiné personne. Mais il était l’abbé de Retz et, en