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IV

Ces filles plaintives du romantisme, toutes immatérielles, alanguies, rêveuses, perdues au fond de grands châles à fleurs, le visage encadré d’anglaises et qui, comme Ophélie couronnée de glaïeuls, sourient le regard absent au bord de la source, elles ont passé dans nos lettres semblables à ces figures vaporeuses que le peintre Prud’hon, sur un fond argenté funèbre, esquissait à traits psychéens. Pareilles à des lis dans la vallée, à ces sensitives dont le poète Shelley a dit la vie et la mort rapides, elles n’ont fait qu’apparaître pour disparaître presque aussitôt dans cette vie où elles posent à peine.

La plupart, comme Élisa Mercœur, comme la Jeune fille mourante qu’Anaïs Ségalas a chantée, s’en vont de la poitrine :

Et, si je fais un bruit léger, si je respire,
Des larmes dans les yeux on essaie un sourire ;
On se rend bien joyeux, mais j’entends soupirer ;
Sur les fronts tout riants passe une idée amère ;
Et ma petite sœur, qui voit pleurer ma mère,
Près du lit vient pleurer[1].

Hélas ! la « petite sœur, » la plus jeune, la « jalouse adorée » comme l’écrivait Mme Desbordes, celle qui ressemblait tant à la Maria de Sainte-Beuve,

Sur un front de quinze ans la chevelure est belle…

la petite Inès impulsive, aimante et silencieuse, c’est elle qui montra la voie a sa sœur Ondine, elle, dans cette famille d’élégie qui, — la première, — ferma les yeux au spectacle de la nature vivante.

Ondine, certes, n’avait pas besoin de l’exemple fatal donné par Inès. Depuis bien longtemps elle avait, pour sa part, éprouvé ce sentiment amer de la fuite des heures de la brièveté des saisons. Dans plusieurs de ses touchantes poésies, les plus empreintes de mélancolie et d’abandon, elle avait, comme par

  1. Anaïs Ségalas, Enfantines, poésies à ma fille.