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tard, quand Ondine fut morte ; Sainte-Beuve, que les circonstances avaient éloigné d’elle, aimait non sans une douceur triste à se rappeler les beaux voyages de Chaillot. « C’étaient, écrit-il à la mère de douleur, à la pauvre Marceline désespérée de la mort de son enfant, c’étaient mes bonnes journées que celles où je m’acheminais vers Chaillot à trois heures, et où je la trouvais souriante, studieuse, prudente et gracieusement confiante… » Et, pour les balbutiements de cette jeune muse, pour ces « traces de poésie » qu’il appelait encore des « gouttes de parfum, » on sait de quel cœur, avec quelle vénération l’écrivain aimait à les conserver et à les relire. Quelques-unes des poésies d’Ondine, — et les plus rares, les plus belles, celles où cette jeune fille discrète a le plus mis d’elle-même ! — ont été retrouvées par la suite dans les papiers de Sainte-Beuve, annotées pour la plupart de mots émus et admiratifs. « Quelle jolie pièce I Quelle touchante inspiration ! C’est de l’André Chénier moral ! C’est comme les Hymnes du Bréviaire traduits par Racine ! »

Oui vraiment, c’était cela ! Mais encore c’était mieux. C’étaient comme les aveux d’un cœur à un autre Toutefois, ces aveux voilés, ces aveux virginaux, l’auteur de Christel en prit-il ombrage ? En eut-il peur ? trouva-t-il que la jeune flamme n’en convenait pas à son automne ? Il faut bien le croire, puisqu’après avoir fait certaines allusions et quelque avance, brusquement, en 1848, il quitta Paris et gagna Liège. Trois années après, le 16 janvier 1851, Ondine, que le temps et la distance avaient éloignée de Sainte-Beuve, épousa Jacques Langlais, avocat et député de Mamers. Mais hélas ! ce mariage ne la sauva pas[1].

  1. Voir la lettre de Marceline Desbordes-Valmore datée du 14 janvier 1851 : « Ondine se marie… Elle sera Madame avant peu de jours. Tout est sérieux, tendre et honorable dans le choix réciproque. Son mari est avocat à la Cour d’appel et représentant de la Sarthe. C’est le jour de Noël que cet événement a éclaté. » La destinée de Jacques Langlais ne fut pas heureuse. Devenu veuf, il fut appelé plus tard, lors de la campagne de 1866, à participer à l’administration du Mexique. Ministre des finances du nouvel empereur Maximilien, il mourut subitement, le 23 février de la même année, à Mexico même.