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écoutait si bien, nous savons aujourd’hui que c’étaient les voix de tous les chers êtres que l’amour, et plus particulièrement l’amour maternel, avait rassemblés autour d’elle : son fils Hippolyte, « sobre, intègre, soumis, » tout le portrait de son père ; et ses filles, ses « deux petites saintes, » comme elle-même, dès 1837, disait dans une lettre à son ami Gergerès : Inès charmante, mais différente d’Ondine, Ondine plus appliquée, plus studieuse qu’Inès ; toutes deux que leur mère a peintes, « fleurissant dans la prière et l’amour, » mais qu’un mal fatal, insoupçonné encore, sur leurs brillantes tiges, inclinait déjà.


II

Je pense qu’Ondine, lorsqu’elle eut atteint dix-huit ans, devait ressembler beaucoup, par la douceur des traits, la souplesse allongée de la taille, la candeur de ses grands yeux bleus baignés de rêve, à cette Modeste Mignon que Balzac, qui en a décrit la beauté, a rangée au nombre des blondes célestes.

Blonde, Ondine l’était par ses fins cheveux légers, sa carnation transparente, ces chastes rougeurs venues de ce que Sainte-Beuve appelle « les réserves d’une jeune sagesse ; » enfin céleste, Ondine l’était par ce regard d’une claire limpidité, ces manières d’une décence exquise, jusqu’à ces préoccupations toutes métaphysiques qui faisaient que cette jeune fille, qui se plaisait à la poésie trempée de rosée de l’Anglais Cowper, aimait en même temps à rechercher, comme un aliment de l’âme, les Pensées de Pascal ou les Hymnes de Racine.

« Un caractère sérieux et ferme, une sensibilité pure et élevée, » enfin dans l’extérieur « quelque chose d’angélique et de puritain » (Sainte-Beuve), qui faisait contraste avec l’exubérance plus expansive de sa mère, voilà ce qui donnait, à cette personne délicate, à côté d’une grâce tout immatérielle, une beauté morale d’une grande élévation. Au temps où elle était encore enfant et habitait Lyon avec sa famille, la future institutrice qu’Ondine devait devenir un jour avait posé devant le peintre Berjon, élève d’Augustin-Berjon, qui en était encore à pratiquer un art enrubanné à la façon de l’autre siècle, excellait de préférence dans la peinture des motifs décoratifs formés de fleurs champêtres et, plus particulièrement, de coquelicots, de cloches blanches des haies et de roses de Hollande. Aussi est-ce