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Ainsi soutenue à cet arbre flexible, mais fort de l’amour maternel, Ondine s’appuya dès les premiers pas. « O ma douce lettrée ! » s’écriera un jour, en s’adressant à sa fille aînée, dans sa poésie d’Ondine à l’école, Mme Desbordes-Valmore. Une douce lettrée, une aimable studieuse, penchée sur les cahiers et sur les livres, veillant sur les leçons premières, voilà ce que ne tarda pas en effet à devenir avec les années l’enfant de Marceline.

Prise de la passion de l’enseignement, de la fièvre pédagogique, Ondine s’abandonna bientôt au travail avec cette même fureur que sa mère apportait dans la charité et dans l’amour. Et c’est alors que cette mère si bonne, se détournant de Paris et de Lyon ces grandes villes, pour procurer un refuge à l’enfant laborieuse qui était née d’elle, se souvint de sa cité du Nord, sa cité flamande penchée sur la Scarpe.

En pensant à son vieux Douai de beffrois, de jardinets pleins de tulipes et de logis Claès où, durant ses jeunes ans, celle qui allait être un si émouvant poète de l’intimité avait tant de fois aimé cueillir « des clochettes, des fleurs de carême, » Marceline avait écrit : « Je n’ose pas trop appuyer mon cœur sur notre pauvre ville natale. » Pourtant, dans ce même Douai d’apaisement et de silence, Ondine, à son tour avenante, sérieuse, assez jolie, grande et déjà demoiselle, viendra chercher le repos et le réconfort. Ce sera, selon l’expression de sa mère, vers le temps surtout où la jeune fille se sera « bien brûlé le sang et le cerveau par excès d’étude. » Alors comme Mme Desbordes elle-même, Ondine, à l’ombre protectrice de Notre-Dame de Douai, se laissera gagner par le calme de couvent, la douceur de béguinage de ces vieilles demeures tranquilles et vétustés, ornées çà et là d’ex-voto de faïence, de luisants boutons de cuivre et que Balzac, comme s’il se fût souvenu de Vermeer et de Peter de Hooch, a représentées, tout entourées, dans ce temps-là, de beaux petits carrés à dessins piqués de fleurs, partagés d’allées nettes et rectilignes.

Dans ce Douai natal, dans ce Douai d’enfance, Marceline, il y a quelques années, était visible encore. C’était sous la forme de cette statue en bronze que les Allemands ont enlevée pendant la guerre et dans laquelle, selon l’heureuse expression de M. Anatole France, le poète était représenté « la tête inclinée à gauche comme pour écouter son cœur. » Ce que cette femme Géniale, dans ce cœur débordant, dans ce cœur pathétique