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divers qui devaient s’ajuster entre eux dans la composition de l’ouvrage. Les illusions tombèrent lorsqu’on commença de rédiger. La grande idée que M. de Barante allait bientôt appliquer ingénieusement, dans un cadre restreint, aux chroniques de Bourgogne apparut alors à ceux qui la voulaient étendre à tous les moments de l’Histoire, ce qu’elle était en réalité, une chimère. Ils l’abandonnèrent sans regrets. Seul, Amédée Thierry persévéra : le résultat de ses travaux fut sa belle Histoire des Gaulois, parue dix mois plus tard en 1828.

De l’œuvre ébauchée cependant, Augustin Thierry avait poussé fort avant un volume, destiné à paraître le premier. C’était une Histoire de Philippe-Auguste demeurée jusqu’à ce jour inédite.

Le règne du fils de Louis VII apparaissait à bon droit à l’historien comme l’un des plus importants de la monarchie capétienne. Il en établissait ainsi les caractères dans son introduction : « Le règne de Philippe-Auguste marque la crise territoriale de la monarchie des fils de Hugues Capet. C’est l’époque où, sortant des bornes du duché de France, elle commence à gagner du terrain vers les limites de l’ancienne Gaule. Alors, se manifesta pour la première fois entre la Loire, la Somme, l’Epte et la Meuse, cette opinion nationale qu’en droit le royaume de France, c’est toute la Gaule, depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées. » Nulle période plus féconde en événements, en péripéties dramatiques ou pittoresques : les démêlés des fils de Henri II avec leur père, la querelle de Jean-sans-Terre et d’Innocent III, la Croisade des Albigeois, Bouvines, les réformes administratives de Philippe : autant d’occasions à grandes fresques vivantes et colorées où l’évocateur achèverait de camper en pied ces tragiques Plantagenets, déjà magistralement silhouettés par lui dans la Conquête.

Dans le manuscrit, malheureusement interrompu, d’Augustin Thierry, le premier livre et le cinquième, — l’expédition de Simon de Montfort, — sont presque achevés dans leur rédaction première ; de longues notes amorcent le développement des autres. Un plan détaillé de l’ouvrage se trouve en outre arrêté à la tête du premier cahier, avec l’indication des épisodes principaux à mettre en scène, suivant les procédés habituels de l’auteur. Dans ce projet général et complet où tout est arrêté, prévu