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ouvrir la porte et nous supposons que la sonnette ne marche pas ou qu’il n’y a personne en ce logis.

En somme, pourquoi ne pas croire à ce qu’on ne comprend pas, à ce qu’on ne sait pas encore, à ce que nous sommes peut-être trop obtus pour déjà saisir, voir, entendre ? Pouvons-nous nous flatter de connaître tout ce qui nous entoure ? Distinguons-nous les influences bienfaisantes ou néfastes qui flottent autour de notre être incertain, le protègent ou le poussent au désastre ? Qui n’a pas senti, dans certaines nuits d’été, avec l’angoisse de ne pas tout à fait comprendre ces langages, dans les souffles, dans les parfums, dans les rayons, dans l’ombre, des présences et des voix, des douceurs rassurantes, des protections secrètes, des appels informulés, inintelligibles à nos sens ignorants et dont pourtant la certitude, proche de notre instinct le plus vrai, nous remplit d’un émoi et d’un trouble plus forts que tous ceux du terrestre amour ?

Une jeune femme que j’ai autrefois connue, et qui est allée à son tour rejoindre les ombres mystérieuses, me racontait qu’elle avait quelquefois la visite d’un jeune homme qui était encore bien plus fantomatique qu’un fantôme, car il n’avait jamais encore été vivant. Ame sans corps, attendant dans un vague espace ou dans un astre en formation, l’heure d’une incarnation humaine, il ne devait vivre, homme, sur la terre, que dans quelques centaines d’années. Et cependant il était celui-là qui l’aimait, elle, la vivante, et ne la rencontrerait pas dans cette vie, que l’on croit réelle et qui dure si peu. La force de l’amour lui donnait celle d’apparaître quelquefois à la bien-aimée, fantôme préalable, et de lui fixer des rendez-vous pour des réincarnations futures, dans des siècles ; et cela dans un langage inconnu qu’elle entendait par une sorte de puissance rayonnante illuminant le fond le plus obscur de la pensée ; car ils étaient, ceux-là, faits pour s’aimer, les amants étranges séparés à la fois par l’espace et le temps.

Il n’y a pas de quoi rire…

Une autre aimable femme, toujours bien vivante celle-là, déclare que rien n’est plus simple que d’organiser des « thés spirites. » Elle soutient qu’il suffit de trouver la formule d’invitation qui doit, je le présume, être cabalistique. Il faut, par exemple, savoir le nom ; car c’est ce rappel du nom humain qui fait revenir l’esprit, un moment, sur cette terre. Les gens