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Royale tout le tonnage qu’elle aurait dû construire depuis sept ans. Car la situation des capital ships ressortirait autrement de la façon suivante, en l’état actuel : Angleterre, 30 ; Amérique, 19 ; Japon, 12 ; France, 3, en comptant nos trois « Bretagne » armés de pièces de 343 millimètres comme des capital ships. Cette base de discussion serait inadmissible pour nous.

Que nous appelions ces navires capital ships ou super-dreadnoughts, ils resteront l’unité tactique cuirassée qui doit assurer à un peuple sa puissance navale. Nous devons pour le moment renoncer à en construire, faute d’argent ; mais en spécifiant à Washington que nous aurons le droit d’en mettre en chantier, à l’heure choisie par nous, en nombre voulu pour nous assurer la maîtrise de la Méditerranée et pour constituer une flotte d’appoint capable de faire pencher la balance en faveur du camp dans lequel cette flotte entrerait. C’est là le seul moyen de permettre à la France de remplir sa mission et de se montrer à la hauteur de sa victoire. — Un autre point est non moins essentiel. Une nation continentale comme la nôtre, obligée, par sa situation géographique, de conserver des armées proportionnellement plus nombreuses et de sacrifier partiellement sa marine, doit être autorisée à conserver une proportion d’éléments défensifs relativement plus élevée que celle des grandes Puissances maritimes. Ces éléments sont représentés principalement par les forces sous-marines et aériennes. Nous devons donc nous opposer à toute tentative qui viserait tout d’abord à proscrire l’emploi du sous-marin, seul moyen qui s’offre à une nation pauvre pour faire respecter ses rivages et empocher un débarquement. En outre, plaidons pour qu’on nous accorde, dans l’Atlantique, des flottilles suffisamment nombreuses pour mettre nos côtes à l’abri de toute éventualité. Les flottilles aériennes présentent pour nous ce double avantage de pouvoir se retourner aussi bien contre la terre que contre la mer, et d’être l’arme à meilleur rendement, puisqu’elle agit dans un domaine commun aux deux éléments. Il importe que, sur le chapitre de l’aviation maritime, nos délégués se montrent particulièrement exigeants. La France désire vivre en paix avec tout le monde ; mais elle veut conserver les biens qui lui ont coûté si cher, et éviter le retour de catastrophes comparables à celle de 1914. Il suffira enfin d’étaler aux yeux de la Conférence la carte de notre