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impardonnable que de remettre aux mains de l’étranger le réseau du P-L-M. L’avenir immédiat de la France est donc intimement lié à son hégémonie méditerranéenne. Cette hégémonie ne cache aucune visée impérialiste ; elle est simplement la conséquence de la situation géographique de la France sur le Rhin, et de la disproportion qui existe entre les races germaniques et latines sous le rapport du chiffre de la population. Loin de contester cette théorie, nos amis italiens ne peuvent que l’approuver. D’ores et déjà, leurs forces légères sont en état de paralyser la mobilisation de notre armée indigène, véritable bouclier de la métropole. Ne nous est-il pas permis de nous en émouvoir ?

Ce qui précède nous dispenserait de faire ressortir que la France a droit à la constitution d’une marine de guerre, en raison de son passé et de ses traditions. Elle tomberait au rang des petites Puissances, ou plutôt des Puissances incomplètes, si elle ne possédait point de forces navales. Nous avons exposé le rôle que ces forces étaient appelées à jouer dans les coalitions futures. La marine est l’arme de l’avenir. On sollicitera l’alliance de notre pays si, au prestige de son histoire et de sa civilisation, à sa fidélité traditionnelle, au renom de son armée, elle joint une marine active. La marine ne constitue-t-elle pas, en effet, la force mobile la plus pratique pour faire régner l’ordre dans le monde ? Nous aurions le devoir d’être partout où cet ordre serait troublé.

Examinons maintenant ce que la France peut demander à Washington. Nulle nation ne désire plus qu’elle la limitation des armements navals. Il n’y a que les nouveaux riches, ceux qui n’ont point été sérieusement touchés par la guerre, qui puissent s’offrir le luxe des « capital-ships. » Pour n’en point construire actuellement, faute de ressources financières, la Rue Royale n’a pas renoncé définitivement à en avoir. Elle se considère comme gravement atteinte par ces armements, nés de sa détresse. Nos représentants, qui seront vraisemblablement assistés de l’amiral de Bon, devront donc insister autant qu’ils le pourront pour la limitation des armements. Mais ils devront en outre protester avec la plus grande énergie contre toute théorie qui tendrait à prendre comme point de départ de la limitation l’état actuel de nos escadres. La France a subordonné, au cours de la guerre, les intérêts de sa puissance maritime à