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Mariannes, sont déjà colonisés et commercialement conquis. Aux Marshall le commerce australien dominait avant 1914 ; il est évincé ; il en est de même dans les archipels britanniques des Ellice et des Gilbert. M. Daniels, secrétaire d’État à la marine des États-Unis, a dénoncé, en septembre 1920, les travaux militaires japonais aux Carolines et aux Mariannes. Aux Sandwich, terre américaine depuis 1898, il y avait, en 1920, 109 000 Japonais sur 253 000 habitants, et les Japonais se plaignaient que les autorités américaines cherchassent, par des mesures indirectes, à supprimer leurs écoles. Aux Nouvelles-Hébrides, les Japonais viennent remplacer la main-d’œuvre indigène qui disparaît et la main-d’œuvre annamite qu’éloigne le cours de la piastre d’Indo-Chine. Les Australiens expriment souvent la crainte que la France ne vende l’archipel aux Japonais et c’est pourquoi ils demandent à Londres que la question, depuis si longtemps pendante entre la France et l’Empire britannique, soit enfin réglée… au profit des Australiens naturellement. Les inquiétudes qui grandissent dans les esprits américains en présence de ce pullulement et de cette expansion des Japonais se sont pour ainsi dire concrétisées dans la question de l’ile de Yap. L’ile de Yap est l’une des Carolines ; elle n’a d’importance qu’à cause des câbles allemands du Pacifique qui s’y croisent[1]. Qui possédera l’ile contrôlera les câbles : en cas de guerre, c’est un avantage capital. L’administration du Président Harding se hâta de soulever la question et d’accuser le Président Wilson d’avoir mal défendu les intérêts des États-Unis, puisqu’il avait admis à Paris que les Japonais obtinssent le mandat sur l’ile de Yap ; l’ancien Président alléguait des réserves orales dont les Anglais et les Japonais déclaraient ne pas se souvenir. L’opinion publique s’est passionnée de part et d’autre. Sur la question des câbles, les Japonais admettent une transaction, mais ils entendent garder le bénéfice du Traité de Versailles qui leur attribue l’ile. C’est le principe de l’accord intervenu entre les parties et dont le texte, à l’heure où nous écrivons, n’a pas été publié. La question est singulièrement caractéristique des intérêts et des rivalités qui, dans le Pacifique, mettent aux prises Japonais et Américains.

  1. Câble de Java à Yap par Bornéo et Célèbes ; câble de Yap à Chang-Haï, de Yap à San-Francisco par Guam et Hawaï, avec embranchement de Guam (iles Mariannes, aujourd’hui japonaises) à Yokohama.