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qu’il faut rappeler ici parce qu’elles sont caractéristiques : l’armée japonaise agira seule ; tous les alliés, y compris les Américains, reconnaîtront les intérêts particuliers et les droits souverain du Japon en Chine (par suite la question de Kiao-Tchéou ne sera plus posée) ; le Japon seul pourra obtenir en Sibérie orientale des concessions de mines, pêcheries, forêts. Le veto absolu des Américains arrêta tout. L’occasion était manquée.

Les Japonais crurent la retrouver en 1918. Les Puissances s’étaient mises enfin d’accord pour seconder l’effort des Tchécoslovaques et soutenir l’amiral Koltchak ; chacun des alliés devait envoyer 7 500 hommes ; les Japonais auraient le commandement. Ils débarquèrent plus de 100 000 hommes et s’installèrent en Sibérie orientale comme chez eux ; il fallut, pour les déloger partiellement, une mise en demeure formelle de M. Lansing au vicomte Ishii (2 novembre 1918) ; ils ne montraient d’ailleurs aucun désir d’aider Koltchak ; loin de là, ils soutenaient contre lui, de leur argent, les révoltes d’aventuriers russes tels que Semenoff, Kolmikoff ; visiblement ils craignaient la reconstitution d’une Russie forte et unitaire. Ils considéraient déjà la Sibérie orientale comme un héritage destiné à leur échoir ; leur expansion économique y marchait de pair avec l’occupation militaire ; elle l’avait même précédée. Avant la révolution russe, les richesses de la Sibérie orientale avaient été inventoriées, étudiées par des ingénieurs japonais. La guerre permit aux négociants nippons, avec l’appui du Gouvernement, d’inonder la Sibérie de leurs produits. Les trains de munitions ou ceux de la Croix-Rouge qui partaient de Vladivostock pour la Sibérie et la Russie étaient souvent chargés de marchandises commerciales ; « lors d’un accident de chemin de fer, en 1918, on découvrit que, sur vingt-neuf wagons éventrés, vingt et un étaient remplis de ces marchandises à la place des munitions indiquées[1]. » Ainsi, par tous les moyens, les Japonais s’établissaient en Sibérie orientale avec l’intention d’y rester. Mais la retraite des Tchéco-Slovaques entraînant la ruine et la mort de l’amiral Koltchak que les Japonais n’avaient pas soutenu, mit les soldats du Mikado en contact direct avec les bolchévistes dont les agents soulevaient les populations contre ces nouveaux maîtres. Il fallut reculer et borner l’occupation aux ports. En

  1. Hovelaque, ouvrage cité, p. 319.