Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des vice-rois calmèrent l’agitation sans apaiser les esprits. Le peuple chinois regimbe sous l’aiguillon japonais ; mais la Chine n’a ni gouvernement, ni armée, ni marine, ni finances ; elle se tient debout par sa masse et continue, malgré les révolutions, sa vie traditionnelle, grâce à la force de son organisation familiale, corporative et municipale. Mais la faiblesse du pouvoir central, le particularisme des provinces, les rivalités de personnes, savamment entretenues par les intrigues et l’argent de l’étranger, sont pour ses voisins un perpétuel objet de tentation. Dangereux mirage ! On ne conquiert pas la Chine ; on ne la domine pas ; c’est elle qui finalement a toujours absorbé et assimilé ceux qui prétendaient la gouverner à leur profit et la conduire hors de ses voies antiques et nationales.

Le Japon, par ses affinités de race, d’écriture, par ses relations incessantes d’échanges commerciaux et intellectuels, est en mesure d’exercer, sur le développement matériel de la Chine, une influence également profitable aux deux pays ; mais il fait fausse route chaque fois qu’il prétend lui imposer, ouvertement ou par des voies détournées, sa direction politique, militaire et morale. Alors il trouve, et il trouvera toujours, devant lui non seulement l’Amérique et toutes les Puissances qui font commerce avec la Chine et qui respectent en elle l’antiquité de sa civilisation, mais la Chine elle-même, redoutable, encore qu’inorganisée, par l’étendue de ses territoires et la multitude de ses habitants. Des imprudences, telles que la publication, par un journal populaire, d’une carte du « nouveau Japon » englobant le Chan-Toung, Fou-Tchéou, le Kirin, le Fong-tien, la Mongolie et la Sibérie, font plus de tort aux Japonais en Chine et en Amérique que toute la souplesse de leur diplomatie et l’habileté de leurs agents ne favorisent leur influence.


IV. — L’EXPANSION ÉCONOMIQUE DU JAPON

Mais le problème se complique ; car l’expansion commerciale et la colonisation, l’exportation des hommes, qui naissent toujours en excédent, et des produits fabriqués, que l’industrialisation croissante du Japon accumule toujours plus abondamment, n’est pas, pour le Japon, un luxe, un surcroit de prospérité : c’est une nécessité vitale. La politique du Japon ne fait que servir et suivre, — parfois à regret, car elle a conscience des