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redevienne un pays tranquille, laborieux, policé, et le Japon se fera un devoir de lui rendre les droits effectifs de souveraineté sur Kiao-Tchéou[1].

Malheureusement, ripostent les Américains, il est avéré que les agents japonais ont soin d’entretenir en Chine le désordre et la division ; il est avéré que c’est eux qui, au Yun-nan, fournissaient des subsides à la dictature du général Tsaï. La république de Canton existerait-elle si les Japonais ne la soutenaient pas ? En réalité, le Japon profite de la situation troublée de la république pour s’assurer partout des avantages et des garanties pour l’avenir. D’abord il prête de l’argent aux divers gouvernements qui achèvent de s’endetter et qui, pour s’acquitter des intérêts et du principal, cèdent des concessions de chemins de fer, de mines, d’exploitations de toute nature ou bien hypothèquent les uns après les autres les revenus des diverses branches de l’administration fiscale. En 1918, les emprunts chinois au Japon dépassaient 200 millions de dollars et se sont, depuis, multipliés. Sans l’administration anglo-française des douanes, tous les revenus de l’ancien Empire seraient déjà passés aux mains du créancier japonais. Les banques du Japon, qui, avec beaucoup plus de discipline que la plupart des nôtres, sont une arme puissante aux mains du Gouvernement, un instrument de sa politique, et n’agissent que d’après ses directions, multiplient ces prêts patriotiques à la Chine et aux Chinois. Le « groupe coréen » de M. Nishihara est particulièrement actif. Le 20 juillet 1918, le Japan advertiser of Tokyo a publié l’analyse d’un rapport officiel sur l’activité financière des Japonais en Chine[2]. On y lit que « le travail des banquiers japonais en Chine est entièrement dirigé par le Gouvernement, même si leurs prêts ont un caractère ostensiblement économique ; » on y voit aussi que certaines banques chinoises, telles que la Communication bank in China, ont des conseillers japonais. Depuis cette époque, l’emprise japonaise n’a fait que se resserrer ; le Gouvernement du Nord a mené longtemps contre le Sud une guerre qui lui coûtait 14 millions de dollars par mois. Partout des yeux et des oreilles japonais sont ouverts ;

  1. Cf. Discours du vicomte Ishii à la Société des Nations (septembre 1921.)
  2. Voyez l’Asie française, n° 174. Nous citons ici une fois pour toutes cet excellent Bulletin du comité de l’Asie française. Voir aussi les correspondances de Chine publiées dans le Temps par M. André Duboscq.