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de Skalanova, en face de Samos, au Sud, jusque près du cap Dahlila, en face de Mytilène, au Nord, et qui, à l’intérieur, pénètre jusque dans le voisinage de Bos Dagh, de Kirkagach et de Soma. Ajoutez que la Turquie renonce, en outre, en faveur de la Grèce, à tous ses droits et titres sur les îles d’Imbros et de Tenedos. De son côté, et par autre traité du 10 août, l’Italie abandonne à la Grèce les îles du Dodécanèse, qu’elle occupe dans la mer Égée, c’est-à-dire Stampalia, Chalki et Alimnia, Scarpanto, Cassos, Episcopi, Nisyros, Calymnos, Léros, Patmos, Lipsos, Symi et Cos ; et elle accepte de laisser la population de Rhodes se prononcer librement sur le sort de l’île, le jour où l’Angleterre prendrait la décision de donner l’île de Chypre à la Grèce : tout cela comme contre-partie de la zone d’influence que l’Italie obtient en Asie Mineure au Sud et à l’Est du territoire de Smyrne, depuis Adalia au Sud jusqu’à proximité de Brousse dans le Nord.

Voilà le magnifique Empire dont héritent aujourd’hui, grâce au talent de M. Venizélos et à la bienveillance des Alliés, MM. Rhallys et Gounaris ; et, quelles que soient les assurances qu’ils affectent de nous donner, nous devons craindre qu’ils ne soient en mesure ni de le défendre, ni de l’administrer. Je laisse de côté, pour le moment, les autres problèmes que pose le traité, notamment celui des frontières arméniennes. Mais je ne puis m’empêcher de relever encore une étrange anomalie, contenue dans la dixième section. Il est stipulé aux articles 118 et 120 que la Turquie reconnaît le protectorat de la France en Tunisie et au Maroc et en accepte toutes les conséquences. La première reconnaissance prendra date du 12 mai 1881 et la seconde du 30 mars 1912. Qu’est-ce à dire, sinon que, maîtres de la Tunisie depuis près de quarante ans et du Maroc depuis plus de huit ans, nous ne sommes pas sans nous préoccuper, aujourd’hui encore, des liens politiques et religieux qui ont rattaché à l’Empire ottoman nos deux protectorats de l’Afrique du Nord ? Comment les hommes qui, le 10 août 1920, n’ont pas jugé superflue la précaution prise dans ces deux articles, ne se sont-ils pas dit que, pour que cette reconnaissance demandée à la Turquie fût effective et efficace, il fallait, tout au moins, qu’elle fût sincère et que, pour qu’elle fût sincère, il fallait que la Turquie ne se sentît pas étranglée, en Asie, par les possesseurs du Maroc et de la Tunisie ?

Telles sont, entre mille, quelques-unes des objections que rencontreront les traités de Sèvres si, un jour, ils viennent à être examinés par les Chambres. Sans doute, avant le revirement de la Grèce, les plus graves de ces objections auraient pu tomber devant cette simple