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rêverie conjugale accompagne le rite hospitalier, et pendant quelques instants l’un et l’autre se poursuivent ensemble avec même discrétion, même tendresse et même poésie. C’est proprement délicieux.

Il nous reste à peine la place de vous entretenir du bain lyrique le plus récent, celui de la reine Candaule, et de vous en exposer la cause et les effets. Ceux-ci consistent dans l’amour bientôt déclaré de la reine pour son contemplateur indiscret malgré lui, mais charmé ; puis dans la déposition et le meurtre du roi par les soldats de Gygès ; enfin dans la réunion de Gygès et de la princesse, le soir de leur hymen, sous les yeux, bienveillants avec ironie, de Candaule revenu, ou plutôt revenant, et spectateur à son tour. Nous aurions aimé connaître les raisons, peut-être légères, mais sûrement spirituelles et plaisantes, par où M. Maurice Donnay peut expliquer la complaisance empressée, pressante même, du monarque pour le militaire. C’est assurément un cas particulier, s’il n’est unique dans l’histoire, de propagande esthétique autant que d’altruisme conjugal. Nous avions cru jusqu’ici qu’en pareille matière le proverbe n’a pas tort et que charité, — c’est-à-dire amour, — bien ordonnée commence par soi-même, ou plutôt s’y arrête et s’y termine. M. Donnay sans doute eût ébranlé notre croyance. Mais le malheur a voulu que la musique du Roi Candaule nous empêchât à peu près constamment d’en entendre les paroles. C’est grand dommage, et pour les gens qui n’aiment pas la musique de M. Bruneau, le contraire eût été préférable. Bien que musicien lui-même, M. Donnay n’est pas de ces gens-là. Dès les premières scènes, le librettiste hellénisant nous signale « Brounos » comme l’un des premiers compositeurs du temps. Cette parole est de celles, — très rares, — qui sont arrivées à nos oreilles. Faut-il avouer qu’elle ne nous a pas convaincu ? Justement, et pour justifier son opinion, le tyran de Sardes se fait jouer à l’instant même un petit air du musicien qu’il vient de citer. Mais à ce nouvel argument nous eûmes encore le regret de ne point nous rendre.

Il y a plus d’une façon de traiter en musique les sujets empruntés à l’antiquité. Premièrement, la manière noble, la grande manière : celle d’un Gluck, et depuis, proportions gardées, celle du Gounod de Sapho, celle du Berlioz des Troyens. A l’autre extrémité, nous avons le genre Offenbach. Et, pour remplir « tout l’entre-deux, » les œuvres tempérées, moyennes, ne manquent pas. Ce fut un fort agréable badinage, à l’Opéra-Comique même, que le Mariage de Télémaque. Avec son délicieux et regretté confrère et compère Jules