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qu’il doit, tout à l’heure, accueillir dans ses flancs confortables.

Le Goliath (ou plutôt les Goliath, car il y a maintenant un certain nombre d’avions identiques de ce type) répond bien à son nom. Son aspect a, dès l’abord, quelque chose de cyclopéen. Avec ses ailes dont l’envergure est de 28 mètres, et dont la forme rectiligne élégamment fuselée et la teinte bleutée ont une grâce et une légèreté singulières, malgré leur énorme surface, avec son fuselage dont la longueur est de 14 mètres, il impressionne d’autant plus qu’à côté de lui, « et, de sa petitesse étalant l’ironie, » le Moustique, le petit monoplan nain, vient de se poser. Au total, une impression d’harmonieuse puissance et d’élégance massive se dégage de l’énorme engin.

Les deux moteurs sont disposés à droite et à gauche de la carlingue de façon à dégager entièrement la vue des passagers. Quant au pilote, il est placé, avec son mécanicien près de lui, vers le centre et en haut de l’appareil. J’ajoute, pour préciser quelques-unes des caractéristiques du Goliath, que son poids total à vide est de 2 000 kilogs et que son poids total en charge (avec passagers, combustible et bagages) peut approcher de 5 000 kilogs. La vitesse horaire est d’environ 160 kilomètres et la vitesse ascensionnelle est telle qu’on peut monter à 2 000 mètres en 8 minutes.

C’est avec ce géant de l’aviation qu’ont été accomplies quelques-unes des plus remarquables performances (si j’ose employer ce mot qui n’est pas encore tout à fait français) de ces derniers temps. C’est avec lui en particulier que fut réalisé le raid Paris-Dakar, du 10 août au 16 août 1919, qui restera un des événements les plus importants dans l’histoire de la vie aérienne et de la pénétration coloniale. C’est le même appareil avec le même pilote (le lieutenant Bossoutrot) qui a réalisé dans le raid Paris-Casablanca le record français de distance sans escale, avec 8 passagers. La distance de 2 200 kilomètres fut couverte en 17 heures 45 minutes.


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Nous nous installons maintenant pour partir. C’est un véritable wagon-salon que nous occupons et qui allonge son élégant confort à la partie-avant de la carlingue. Deux rangées d’accueillants fauteuils en osier s’alignent de l’avant à l’arrière. De chacun d’eux on a une vue parfaite sur l’extérieur à travers de vastes fenêtres carrées. Il y fait si peu froid que nous, qui sommes tous en costume de ville, nous quitterons pourtant nos par-dessus pendant tout le trajet. Le voisinage des moteurs entretient en effet dans le wagon-salon une température