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terrain, un assez grand nombre de ces hangars à avions que tout le monde connaît depuis la guerre, avec leurs grands toits surbaissés et leurs vastes, portes. Du côté de la route, une série de baraquements en bois où on accède par une barrière, où le côté de l’entrée et celui de la sortie sont soigneusement séparés, des passages différents étant d’ailleurs réservés à l’accès des piétons et à celui des autos.

Ces baraquements n’ont rien encore de la somptuosité granitique de nos grandes gares de chemins de fer, mais, tels quels, ils suffisent pour l’instant aux besoins auxquels ils répondent. Dans un de ces locaux de bois, un buffet-restaurant est aménagé où l’on peut se procurer une collation suffisante. Dans un autre se fait la visite de la douane. C’est une chose assez singulière que cette frontière de France qui se trouve à six kilomètres de Paris ; c’est que nous allons voyager dans la troisième dimension de l’espace, en attendant la quatrième chère à Wells. Un douanier bénévole, hilare, barbu et, somme toute, charmant, s’assure que nous n’emportons en nos bagages aucun fruit défendu, et après que des étiquettes convenables et des signes cabalistiques que nous n’avons pas le loisir d’approfondir y ont été apposés, nous voilà séparés de nos colis. Ils seront tout à l’heure amarrés à l’arrière du fuselage de notre Goliath, et bien que nous soyons quelques passagers, munis chacun de malles et valises confortables, aucune limitation ne nous a été imposée à cet égard. C’est que le Goliath peut transporter facilement 3 000 kilogs de poids supplémentaire au sien. C’est quelque chose.

Dans un des autres locaux de l’aérogare, on s’assure que nos passeports sont en règle et dûment visés et apostilles. Ah ! que l’aviation est devenue une chose administrative ! Nous voici libres pendant quelques minutes, tandis que les mécaniciens révisent, sous l’œil attentif du pilote, l’état des moteurs de notre véhicule. Nous en profitons pour baguenauder un peu à travers cette gare du soi parisien qui est un port de l’océan aérien. Des tableaux sont affichés, portant à la craie l’indication des divers départs et arrivées du jour (heures et destinations). A quelques pas, deux observateurs munis d’un petit théodolite suivent un léger ballon pilote qu’ils viennent de lâcher et dont la trajectoire, chronométrée par l’un, observée à la lunette graduée par l’autre, va donner instantanément la vitesse et la direction du vent aux diverses altitudes. J’ai expliqué ici même, naguère, comment on fait cette opération. Il est d’ailleurs assez fort ce matin-là, le vent, violent même, ce qui ne nous empêchera pas de faire un excellent voyage et d’être beaucoup