Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 60.djvu/841

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Roumanie, isolée dans le Balkan, se rendra compte que la Triplice est son unique appui. Quant à croire que les bulgares pourront entreprendre contre Belgrade une guerre de revanche, ce n’est là qu’une hypothèse, puisque l’Allemagne n’accepte l’idée, de les lancer contre les Serbes, que sous la condition expresse qu’ils n’attaqueront pas les Roumains.

On discuta longtemps encore, dit le procès-verbal, pour arriver à cette conclusion, qu’à l’exception du Président du conseil de Hongrie, tout le monde était d’avis qu’un succès purement diplomatique, même s’il aboutissait à une humiliation éclatante des Serbes, ne mènerait à rien, et qu’il fallait, en conséquence, présenter à la Serbie des exigences telles qu’on put prévoir son refus, afin d’ouvrir ainsi la voie à une solution radicale par des moyens militaires.

Luttant toujours pied à pied, le comte Tisza fit remarquer que, dans son désir de se rapprocher autant qu’il était possible des autres membres du Conseil, il était prêt à concéder que les conditions imposées à la Serbie devaient être très dures, mais qu’il ne pouvait admettre qu’elles parussent inacceptables. Il demandait qu’on étudiât de près le texte de la note ; qu’on lui en donnât connaissance avant de l’expédier. Kl si son point de vue n’y était pas pris suffisamment en considération, il se verrait, dit-il, obligé d’en tirer personnellement telles conséquences qu’il jugerait nécessaires.

L’après-midi du même jour, le Conseil se réunit de nouveau. Le chef d’Etat-Major, Conrad de Hœtzendorf, donna sur différentes questions militaires et sur le cours probable d’une guerre européenne, des éclaircissements d’un caractère secret, qui n’ont pas été consignés dans le procès-verbal.

Comme conclusion à ce débat, le comte Tisza adjura, une fois encore, le Conseil de bien peser sa décision avant de se lancer dans la guerre. Puis on aborda les points qui devaient figurer dans la note au Gouvernement de Belgrade. On n’arriva pas à s’entendre. Mais le comte Berchlold remarqua que s’il restait toujours des divergences entre le point de vue des membres de la conférence et celui du comte Tisza, on s’était cependant rapproché, car les propositions du Président du Conseil de Hongrie amèneraient sans doute, elles aussi, à ce règlement de comptes par la guerre, que les autres personnes présentes estimaient indispensable. Sans doute, cette interprétation de sa pensée ne