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montrée pitoyable dans l’affaire de Sarajevo, en laissant, sur le chemin où devait passer l’Archiduc, six ou sept individus, pourtant bien connus d’elle, armés de revolvers et de bombes. Il ne voyait pas pourquoi la situation en Bosnie ne pourrait pas être améliorée par de bonnes mesures de police et d’administration.

Le comte Krobatin, ministre de la Guerre, intervenant à son tour, opina naturellement qu’un succès diplomatique serait tout à fait sans valeur, et que, au point de vue militaire, mieux valait faire la guerre tout de suite que la remettre à plus tard, parce que, dans l’avenir, la balance des forces ne serait plus à l’avantage de la Double Monarchie. Considérant que les deux dernières guerres, russo-japonaise et balkanique, avaient commencé sans déclaration préalable, il émettait l’avis de mobiliser en secret, et de n’envoyer d’ultimatum que lorsque la mobilisation serait une chose accomplie, — ce qui aurait l’avantage, dans le cas où la Russie entrerait aussi en guerre, de mettre l’armée austro-hongroise en excellente situation, les corps russes de la frontière étant loin d’être au complet, à cause des congés de moisson.

Une longue discussion, dont le détail ne figure pas dans le procès-verbal, s’engagea ensuite au sujet des buts de guerre. On prit en considération le vœu du comte Tisza que, par égard pour la Russie, la Serbie fut diminuée et non pas anéantie. Le comte Stürgkh émit l’idée qu’il serait bon de renverser la dynastie des Kara-Georgevitch pour donner la couronne à quelque prince d’une maison d’Europe, et de placer la Serbie diminuée sous la dépendance de la Double Monarchie. De nouveau, le comte Tisza attira l’attention de ses collègues sur les calamités d’une guerre européenne, les pressant de considérer qu’on pouvait, pour l’avenir, escompter telles circonstances, par exemple des complications asiatiques, qui détourneraient la Russie de l’intérêt qu’elle prenait au Balkan, ou bien une guerre de revanche des Bulgares contre les Serbes, etc… etc… qui amélioreraient singulièrement la situation d’aujourd’hui.

Nous pouvons en effet concevoir, lui répondit le comte Berchtold, telle ou telle conjoncture heureuse, mais nous devons compter avec ce fait que, du côté ennemi, on se prépare à une lutte à mort contre nous, et que la Roumanie soutient les diplomaties russe et française. Nous ne gagnerons pas les Roumains, tant que nous n’aurons pas détruit les Serbes. Alors seulement,