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profonde douleur. Elle était de caractère assez ferme pour s’en remettre et poursuivre sa vengeance : derrière le pistolet de Poltrot de Méré, il s’agissait de débusquer le plus grand personnage du royaume après François de Lorraine, l’amiral de Coligny qui avait employé Poltrot comme espion. Les Guise n’hésitèrent pas : Anne elle-même osa désigner celui qu’elle regardait comme le vrai coupable, et Coligny se mit en marche sur Paris avec ses troupes. Cependant la Reine passait sans cesse d’un parti à l’autre. La cause fut évoquée devant le Conseil royal. C’était un déni de justice : les Guise protestèrent, le Parlement retint l’affaire, partisans et adversaires se battirent dans les rues. Le Roi ajourna la décision à trois ans. Le procès vint enfin au conseil du Roi (janvier 1565) et l’amiral fut acquitté. Nemours faisait partie de ce conseil. Il se récusa, alléguant « l’amitié qu’il professait pour M. de Guise et toute sa maison. » C’était d’une équité rigoureuse, en un temps où les passions altéraient l’équité. Charles IX et la reine tentèrent vainement d’obtenir l’assentiment de la duchesse à cet arrêt : elle pleura et refusa. « Coligny, dit le baron de Ruble, avait été accusé et acquitté : il n’avait pas été jugé. » Pour mettre un terme à ces luttes intérieures, le Roi convoqua d’autorité à Moulins Coligny, le cardinal de Lorraine et la duchesse, afin de les réconcilier. Coligny donna sa promesse, les Guise ne firent qu’obéir. Henri, le fils aîné de François, n’assista pas à l’entrevue.

Le procès que soutenait dans le même temps le duc de Nemours n’était pas si reluisant. J’en retracerai plus loin les péripéties. Françoise de Rohan, abandonnée, avait pris le titre de duchesse de Nemours, invoquant une promesse de mariage, et appelé son fils prince de Genevois, de l’un des titres de la maison de Savoie-Nemours. Elle traînait son ancien amant devant les tribunaux civils et ecclésiastiques. Il ne put s’en dépêtrer définitivement que le 26 avril 1566, par un bon arrêt. Dès le lendemain, le contrat de mariage le liait à Anne de Guise, qu’il épousait le 5 mai. Neuf mois après leur naissait un fils, Charles-Emmanuel. Mais Nemours allait payer cher ses trop brillantes années de jeunesse. Un an après son mariage, à trente-six ans, il subissait la première attaque de la goutte qui ne devait plus le lâcher. Il joua pourtant un rôle héroïque et d’une importance capitale dans l’affaire de Meaux où il sauva la couronne. Mais peu après, il dut se retirer à Annecy, puis