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généralement partisans des méthodes germaniques, forment la majorité dans la commission chargée d’unifier la législation de nos trois provinces. »

Cependant, nos meilleurs amis s’ingénient. Aucun ouvrage littéraire important ne parait en France sans que le professeur Jablonowski, député à la Diète et critique influent, ne le signale tout au moins dans la Gazette de Varsovie, s’il n’a pas le loisir d’en faire l’analyse. A Cracovie, le fin lettré qui se cache sous le nom de « Boy » s’est remis à étudier les textes polonais du moyen âge et de la Renaissance, afin de traduire plus fidèlement, et dans une langue contemporaine, les meilleures poésies de Villon et les plus belles pages de Montaigne.


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Avec son Académie et son Université, ses musées et ses bibliothèques, ses expositions d’art moderne et le charme de ses salons, Cracovie reste la capitale intellectuelle de la Pologne. L’ancienne résidence des Jagellons est une des rares villes où la vie d’aujourd’hui n’empêche pas de respirer celle d’autrefois : entre les objets qu’on voit et les souvenirs qu’on évoque, il n’y a pas désaccord brutal, mais facile harmonie. Remparts et château, places et rues, églises et palais, tout est vivant, présent, et tout exhale le parfum des siècles disparus. Les réunions mondaines, les conversations semblent offrir même mélange, même accord tranquille entre les idées nouvelles de gens cultivés et curieux, et les formes anciennes, un peu cérémonieuses, — nous dirions, dans le meilleur sens du mot, un peu provinciales, — dont ils ont le bon goût de ne se point départir…

Il est à Cracovie deux lieux sacrés : l’ancienne Université et la colline du Wawel. Une porte basse en ogive, dans une petite rue silencieuse ; on fait quatre pas sous une voûte et l’on débouche dans une cour gothique, exquise et simple. Deux étages d’arcades sobrement ornées, un portique et une galerie ; au centre, une fontaine de pierre et de fer forgé, que surmonte la statue en bronze de Copernic. Les salles qui s’ouvrent sur la galerie renferment aujourd’hui la bibliothèque de l’Université. A l’heure où se ferme la bibliothèque, la petite cour reste ouverte et l’on n’y entend plus d’autre bruit que parfois celui d’une corneille qui, après avoir longtemps tournoyé, vient se