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caractères russes : on eut grand’peine à lui faire comprendre qu’il s’agissait d’auteurs et d’ouvrages étrangers…

« Enfin nous sommes libres, et nos jeunes gens peuvent suivre en Pologne les leçons de maîtres polonais, enseignant dans la langue nationale. Mais ce ne sont plus des sociétés littéraires qui groupent aujourd’hui les étudiants, ce sont de véritables clubs politiques. Il y a dans les Universités presque autant de partis qu’à la Diète : ici nous avons des conservateurs et des libéraux, des radicaux et même quelques socialistes, mais pas de bolchévistes. Ailleurs, il arrive que les étudiants juifs gagnent aux idées communistes quelques Polonais ; ce danger n’existe pas à l’Université de Lublin, où les israélites ne sont pas admis. En revanche, un certain nombre de luthériens sont inscrits à nos facultés : mais l’entente est parfaite entre eux et les catholiques : la politique fait l’objet de discussions passionnées entre les étudiants, mais les questions confessionnelles sont toujours laissées en dehors du débat.

Parmi les professeurs de Lublin se trouve un dominicain français, le R P. Lacrampe, chargé du cours de théologie dogmatique. Le Père Lacrampe m’apprend qu’un certain nombre de jeunes filles suivent assidûment ses leçons. « L’intelligence des Polonais, me dit-il, est naturellement encline à la spéculation ; elle excelle à l’analyse des idées pures ; dans les disciplines expérimentales, elle est beaucoup moins à l’aise. » Un autre savant, Polonais celui-là, m’avait déjà fait la même observation : « Nous sommes des spéculatifs, des littéraires, me disait-il ; c’est notre tradition ; nous croyons à l’influence des idées, à l’action bienfaisante de la haute culture. Les Allemands ont montré qu’ils connaissaient bien notre faible lorsque, à peine entrés à Varsovie, ils ont fait ouvrir l’Université. On nous a reproché d’avoir commencé par réorganiser l’enseignement universitaire, alors que tant d’autres réformes pouvaient sembler plus urgentes. On nous a opposé l’exemple des Tchèques, qui s’empressaient d’ouvrir des écoles techniques, commerciales et industrielles, tandis que nous augmentions, peut-être à l’excès, le nombre de nos instituts d’enseignement supérieur. Les Tchèques suivent leur tempérament, nous suivons le nôtre : la Pologne, sans ses Universités, ne serait pas la Pologne. »

C’est la vérité ; mais ce n’est pas, me semble-t-il, toute la vérité. J’ai trouvé à Varsovie et à Lwow deux écoles