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rapportait au choix du chapitre, l’élection d’un Allemand au siège de Poznan était certaine, dominent la population polonaise l’entoile acceptée ? Etait-il opportun, en pleine guerre, de provoquer des résistances, et peut-être des désordres ? On se le demanda à Berlin. Exceptionnellement, le roi renonça à sa prérogative et invita le Saint-Siège à pourvoir lui-même le siège vacant. C’est ainsi que, le 30 juin 1915, je suis devenu archevêque de Poznan et Gniezno.

Le cardinal Dalbor ne me donna point rongé avant de m’avoir fait remettre des lettres d’introduction pour quelques ecclésiastiques de son diocèse et de m’avoir montré lui-même sur la carte la route que je devais suivre pour gagner un domaine agricole voisin, dont on m’avait recommandé la visite. En m’éloignant de Krohia, je songeais avec admiration au rôle joué durant la domination allemande par ces archevêques de Poznan, par le cardinal Ledochowski, qui, au temps du Kulturkampf, s’était laissé traîner en prison plutôt que d’abdiquer ses droits et sa dignité, par Mgr Slablewskj, dont Bismarck lui-même n’avait pu vaincre la fière et calme résistance, par leurs successeurs… L’énergie, tour à tour héroïque et prudente, de ces grands prélats, avait déjoué les efforts de la propagande prussienne et de l’esprit luthérien ; ils avaient conservé intact l’héritage sacré des ancêtres polonais et catholiques ; du haut de la vieille tour de Krobia, ils avaient vraiment fait bonne garde, les « premiers princes de Pologne. »


L’ÉGLISE ET LES NATIONALITÉS

La ville de Lwow a le privilège, que je crois unique en Europe, de posséder trois évêques en communion avec le Siège romain : un archevêque catholique latin, un archevêque ruthène, du rite uniate, et un évêque arménien. On m’a raconté que le roi de Bavière qui, passant par Lwow, s’était fait présenter les autorités de la ville, ne put s’empêcher, lorsqu’on introduisit auprès de lui un troisième personnage épiscopal, de murmurer dans sa barbe : « Encore un ! »

L’évêque arménien-catholique de Lwow est Mgr Teodorowicz, qui fut élu député à l’Assemblée Nationale et que mes lecteurs ont déjà rencontré à l’Institut Marie. Orateur éloquent et grand patriote, il était, au temps de l’occupation de Varsovie