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anciens ministres et députés gounaristes s’étaient réunis dans la soirée chez l’un d’eux sous la présidence de la Reine et avaient décidé de répandre dans la société d’Athènes des lettres déclarant que la Grèce, en présence du rôle joué contre elle par la France, l’Angleterre et la Russie, ne pouvait plus considérer ces puissances comme ses protectrices. Toute cette agitation était encouragée par les propos menaçants tenus dans les milieux germanophiles. Hoffmann, chef de l’espionnage de Berlin, se flattait d’avoir acheté des quantités d’armes suffisantes pour parer à toute éventualité. En définitive, on vivait dans une atmosphère de bataille qui justifiait la présence de la flotte interalliée, sans compter que la démonstration navale annoncée était autrement imposante que celle qui avait été projetée pour le 21 juin. On n’y comptait pas moins de quarante navires, cuirassés, croiseurs légers, torpilleurs, destroyers et en un mot tous les types de bâtiments nécessaires à des opérations maritimes de large envergure.

Le contingent français présentait plus d’importance que le contingent britannique. Il comprenait notamment cinq cuirassés : la Provence, sur laquelle le commandant en chef avait mis son pavillon, la Vérité, la Patrie, le Waldeck-Rousseau, l’Ernest Renan, le Jurien de la Gravière, et enfin douze torpilleurs. Sous les ordres du commandant en chef, le vice-amiral Darrieus, les contre-amiraux de Marliave, Biard, Barnouin étaient préposés au commandement des divisions de l’escadre. Le 1er septembre à dix heures du matin, cette escadre réunie à Milo appareillait pour se transporter au Pirée et à Phalère, où elle arrivait dans l’après-midi.

Dans quel dessein venait-elle mouiller à proximité d’Athènes ?… Se bornerait-elle à faire acte de présence pour s’éloigner ensuite, ou allait-elle demeurer là comme une menace, prête à débarquer des troupes, si les Alliés n’obtenaient pas satisfaction quant aux demandes qu’ils avaient formulées à plusieurs reprises ?… Ces questions assurément devaient hanter toutes les cervelles. On lit dans une lettre écrite à cette date : « En fait, tous ces gens se demandent ce qui va leur tomber sur la tête. »

Appuyés maintenant, sur une force navale contre laquelle toute résistance paraissait impossible, les Puissances, à la condition de savoir s’en servir, pouvaient tout exiger de la Grèce. Aussi, le ministre de France émettait-il l’avis qu’on demandât