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influence parmi les réservistes. Il avait d’abord tenté de retarder la démobilisation et il avait fallu l’intervention des ministres de l’Entente pour la faire avancer d’un mois. Mais les réservistes congédiés étaient longuement sermonnés par les officiers : « Vous devez voter pour le Roi ; si Vénizélos était élu et faisait décréter la remobilisation, il faudrait rester chez vous, refuser de vous rendre à l’ordre d’appel. Si vous revenez à la caserne à la suite d’élections vénizélistes, vous aurez affaire à nous. » C’était le sabotage militaire organisé par les chefs de l’armée.

A toutes les gares, les officiers faisaient crier : « Vive le Roi. » Ils inscrivaient sur les wagons des propos insultants pour l’Entente. Des agents déguisés en soldats faisaient journellement le trajet d’Athènes à Patras, distribuant aux réservistes de l’argent et du tabac, les obligeant à crier : « Vive le Roi, à bas Vénizélos, à bas l’Entente ! » Au Pirée des bandes armées s’étaient constituées, composées de réservistes sans ressources et d’individus sans aveu. Ces bandes circulaient ouvertement, manifestant dans les endroits publics et terrorisant la population. D’autres événements plus graves avaient lieu en province où les démonstrations anti-ententistes se multipliaient. Les meneurs obligeaient les soldats à y prendre part à la veille de leur libération et la gendarmerie était complice. Sur un vapeur faisant le service des Iles ioniennes, un médecin militaire avouait, devant un Français qu’il prenait pour un Grec, qu’il était envoyé en mission par le ministre de la Guerre pour entraver la démobilisation en retenant, comme malades, les vénizélistes. Il déclarait qu’officiellement il faisait une tournée d’inspection et que les Français n’y comprendraient rien. Des incidents analogues se déroulaient à Patras, à Corinthe, à Larissa, à Salonique, et dans d’autres centres importants ; à Athènes et au Pirée, des clubs se constituaient sous le nom d’Associations de Réservistes, mais toujours on y voyait dominer des officiers, des agents allemands, des Gounaristes, c’est-à-dire tout le groupe hostile à l’Entente. L’argent qui payait ces manifestations, promenades dans la rue, banquets tumultueux, ovations enthousiastes au Roi, provenait d’Allemagne ; il était versé par l’agent Hoffmann. Le 5 juillet, les organisateurs de l’une de ces manifestations étaient invités par le Roi à déjeuner à Tatoï. Constantin prononça une allocution se terminant par ces mots : « Je remercie sincèrement tous mes compagnons d’armes du