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grecque acceptât sans protester la situation qui lui était faite. On trouve une preuve de son ressentiment dans la manifestation qui, à la même date, se produisait à Athènes et au Pirée : cinquante mille soldats, comprenant un grand nombre de réservistes et d’officiers, acclamaient à la fois la France et Vénizélos qu’ils suppliaient de les aider à repousser les Germano-Bulgares. Il est vrai que les partisans de ceux-ci se réjouissaient, parce que c’était « un bon tour joué aux Français. » « L’avance bulgare, disaient-ils, ne nous trouble pas. L’armée grecque, chargée des lauriers balkaniques, est indomptable, et le jour où il le faudra, elle balaiera ses ennemis jusqu’à Constantinople, conduite par le glorieux Constantin devant lequel Napoléon devra s’effacer. »

En dépit de ces vantardises, le Roi ne laissait pas d’être profondément troublé par l’anarchie qu’il constatait partout dans le royaume. En prévision des périls qu’il redoutait, il prenait des mesures qui permettraient à la famille royale de se replier sur le palais de Tatoï, à la faveur de la résistance organisée dans la capitale par des troupes sures, puis de se rendre à Larissa par chemin de fer. Aux abords du palais, on creusait de petites tranchées, on amenait des canons légers et tout révélait le dessein de couvrir la retraite de la famille royale par une défense énergique.

Contre qui ces précautions étaient-elles prises ?… Il est assez difficile de le préciser, mais, en admettant même que ce fût contre tous les dangers prévus et à prévoir, ceux qui pouvaient venir des troupes alliées étaient considérés dans l’entourage royal comme les plus redoutables.

Du reste, l’état-major et le Gouvernement grecs affectaient de se réjouir du mouvement des Bulgares en Macédoine, lequel « allait couper les ailes de l’armée d’Orient en la réduisant à la défensive dans un cercle de plus en plus étroit. » La croyance à ce résultat était assurément fragile, mais, dans l’état des choses, ces incidents avaient pour conséquence d’enlever à Vénizélos et à ses partisans leurs chances électorales, et c’était tout au moins une manière de retarder les élections, car il serait impossible de réunir les électeurs sur un territoire envahi.

Zaïmis avait été averti de cette invasion nouvelle par une démarche collective des ministres d’Allemagne et de Bulgarie à Athènes. Ils lui avaient notifié l’avance des troupes en