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Mr van der Luyden apparut sur le pas de la porte, et Newland Archer s’avança pour le recevoir.

— Nous parlions justement de vous, mon cousin, dit-il.

Mr van der Luyden sembla déconcerté par ces paroles. Il retira son gant pour serrer la main des dames, et lissa son haut-de-forme avec un peu d’embarras, pendant que Janey avançait un fauteuil.

Archer continua en souriant :

— Et de la comtesse Olenska…

Mrs Archer pâlit.

— Une femme charmante ! Je sors de chez elle, dit Mr van der Luyden, rasséréné.

Il s’assit, déposa ses gants et son chapeau à côté de son fauteuil, selon le vieil usage, et continua :

— Elle a un véritable don pour arranger les fleurs. Je lui avais envoyé quelques œillets de Skuytercliff, et j’ai été émerveillé de la façon dont elle les a groupés. Au lieu de les masser en gros bouquets comme notre jardinier-chef, elle les avait dispersés, je ne saurais pas dire comment. Le duc m’avait prévenu ; il m’avait dit : « Allez voir avec quel goût elle a meublé son salon ! » Et c’est vrai. J’aurais bien voulu lui mener Louisa, si le quartier n’était pas si bohème.

À vrai dire, poursuivit Mr van der Luyden, appuyant sur son pantalon gris sa main décolorée, alourdie par la grande bague du Patroon, à vrai dire, j’étais allé la remercier du mot charmant qu’elle m’avait écrit à propos de mes fleurs, et aussi, — mais ceci entre nous, — pour lui donner un avertissement amical sur l’inconvénient de se faire mener dans le monde par le duc. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler.

Mrs Archer prit un air naïf :

— Le duc l’a-t-il menée dans le monde ?

— Eh, oui ! Vous savez ce que sont ces grands seigneurs anglais ; tous les mêmes. Louisa et moi aimons beaucoup notre cousin, mais on ne peut s’attendre à ce que des gens habitués à la vie des cours tiennent compte de nos petites distinctions républicaines. Le duc va où il s’amuse.

Mr van der Luyden fit une pause, mais personne ne prit la parole. — Il l’a menée, paraît-il, hier soir chez Mrs Lemuel Struthers. Sillerton Jackson est venu tout à l’heure nous raconter cette sotte histoire, et Louisa en a été un peu troublée. J’ai