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— Non ; mais tu as demandé aux Welland d’avancer l’annonce de tes fiançailles, afin que nous puissions la soutenir, et c’est seulement pour faire plaisir à maman que la cousine Louisa l’a invitée à dîner.

— Eh bien ! Quel mal y avait-il à l’inviter ? C’était la plus jolie femme du salon ; grâce à elle, le dîner a été un peu moins morne que ne le sont en général les banquets van der Luyden.

— Tu sais que cousin Henry l’a invitée pour te faire plaisir, que c’est lui qui a obtenu de notre cousine de la recevoir ; et maintenant les voilà si bouleversés en apprenant qu’elle est allée chez Mrs Struthers, qu’ils retournent à Skuytercliff dès demain. Je crois, Newland, que tu feras bien de descendre au salon. Tu sembles ne pas comprendre ce que maman éprouve.

Newland trouva sa mère dans le salon, penchée sur son métier. Elle leva sur lui un regard troublé, et demanda :

— Janey t’a dit ?

— Oui. — Il sourit. — Mais je ne trouve pas que ce soit très sérieux.

— Le fait d’avoir froissé nos cousins ?

— Le fait qu’ils puissent se sentir froissés parce que la comtesse Olenska a été chez une femme qu’ils trouvent commune !

— Ils ne sont pas seuls de cet avis.

— Eh bien ! oui, d’accord, elle est commune ; mais on fait chez elle de la bonne musique, et ses réceptions du dimanche apportent une distraction à des gens qui meurent d’ennui.

— De la bonne musique ? Tout ce que je sais, c’est qu’il y avait chez elle, dimanche dernier, une créature qui est montée sur la table, et qui a chanté des choses comme celles qu’on chante dans les endroits où tu vas à Paris. On a fumé, et bu du champagne.

— Eh bien, après ? Tout cela est arrivé, et le monde continue à tourner.

— Je ne suppose pas, mon enfant, que tu défendes sérieusement la manière française de passer le dimanche ?

— Je vous ai souvent entendu, maman, vous plaindre de la tristesse maussade des dimanches à Londres, quand nous y étions !

— New-York n’est ni Paris, ni Londres.

— Ah, fichtre non ! soupira Archer.

— Tu veux dire sans doute que notre société est moins amu-