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les dévastations de la guerre de Trente ans (les deux tiers des habitants avaient péri, et toute la richesse). Et ensuite, exploitation par leurs princes qui imitent Louis XIV. Cet écrasement, accompagné de résignation et de vulgarité, leur a été propre. Ils en portent encore la marque au cou, comme un chien maigre et battu garde l’empreinte de son collier.


Retour à la Wartburg, par l’Annathal et le Marienthal

C’est le pays du vert ; mes yeux en sont rafraîchis depuis ce matin. Quelques lieues après Francfort a commencé le pays montagneux, verdoyant, arrosé, et le voici dans toute sa beauté. De petites allées soigneusement entretenues conduisent sur toute la montagne, à travers des sapins élancés, drus, minces, qui, font une moisson, dans des clairières de pins rougeâtres et puissants. Tout le sol est tapissé de myrtilles : plus bas s’étagent des prairies vertes, çà et là un bouquet de grands bouleaux penchés, un chêne déraciné, des roses sauvages, toute sorte de fleurs, un arôme universel de plantes montagnardes. Tout en bas, l’Annathal, une étroite vallée encaissée pendant deux cents pas dans d’énormes roches moussues des pieds à la cime, toutes suintantes d’une humidité éternelle ; leur draperie de mousse est parsemée de petits trèfles d’eau, de géraniums penchés, frêles, gorgés de la vapeur et des exhalaisons qui montent. Le fond est un petit ruisseau bruissant, qu’on a dallé d’un pont continu. — On le suit, la vallée s’élargit, recueille en des viviers l’eau des ruisseaux qui l’arrosent ; des files de vieux arbres, des bouquets de verdure bien placés, en font un beau parc, et toujours on entend à côté de soi le bruissement de l’eau courante ; de grands pans de rochers nus, des éventrements rougeâtres de la montagne se dressent au milieu de cette fraîcheur et de cette abondance de la vie végétale, et sur la gauche on aperçoit, la vieille Wartburg, une reine gothique et féodale, maintenant pacifique, et qui ne sert plus qu’à orner un lieu de plaisir.

Revu, au retour, toute la ville. On distingue bien l’âge ancien, misérable, qui finit, et le nouveau qui commence. Beaucoup de vieilles maisons très basses d’étages, le rez-de-chaussée plus bas que la chaussée, des fenêtres de poupées, des châssis qu’un coup de poing enfoncerait, parfois un étage qui a tassé et rend la façade bancale. Sur toute la route depuis