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combat des maîtres-chanteurs, et divers traits de la vie des grands-ducs, pur des peintres de Munich. Toujours l’Allemand qui veut idéaliser à la grecque ou à l’italienne, et échoue entre les deux tendances contraires. Ils n’ont rien trouvé pour la tête de sainte Élisabeth, ni type ni expression. La moins mauvaise fresque est celle qui la représente morte sur une natte de paille. Dans le portement de son cercueil, l’empereur pieds nus est un Jésus-Christ Apollon ; de même le jeune grand-duc arrêtant un lion. Tout cela est neutre parce que les efforts se contredisent.

Ce qu’il y a de plus intéressant, c’est la chambre de Luther, avec son portrait, une peinture édifiante de l’homme dominé par la chute et sauvé par le Christ. Divers meubles de Luther, armoires à livres, bahut, deux coffrets, poêle, sièges, etc. Il y a des figures sculptées partout, des ornements de bois travaillé souvent grossiers, mais à profusion. Là était le débouché de l’imagination. Le poêle, baroque, très laid, couvert de figures dignes d’un almanach ; mais il y avait de l’invention, et dans ces intérieurs si étriqués, dans cette vie sédentaire, on s’entourait de formes vivantes.

Beaucoup de jeunes filles et de femmes à la Restauration, qui est tout à côté. Pas une jolie ou belle, mais plusieurs instructives. Les jeunes filles ne savent pas s’habiller, mais restent enfants, simples, innocentes, gaies, bonnes filles primitives. Trois ou quatre ont un fond d’enthousiastes nerveuses (Thécla dans Wallenstein). Trois vieilles dames ont une expression de calme, de sérénité et de candeur étonnante ; le visage est très fatigué, rougi, mais on ne peut imaginer une pareille et si complète acceptation de la vie : je ne l’ai vue que chez des religieuses.


Eisenach.

Eisenach est propre, mais bien pauvre. Cela sent le moyen âge ; les maisons sont des boîtes à charpente de bois, les interstices bouchés avec de la glaise ou des briques ; très petites fenêtres à guillotine. Les figures sont à l’avenant. Tout cela fait contraste avec deux ou trois belles maisons de plaisance bâties sur la roue de la Wartburg, encore plus avec la Wartburg elle-même. On sent la pauvre vie exiguë, écrasée, du petit bourgeois, de l’artisan, de la ménagère allemande, après