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moi, Français, je n’ai pas ouvert la bouche pendant quatre heures, et seulement pour quelques mots à la fin. Après trois phrases, l’Allemand est arrivé à la grosse question : « L’Empereur est très malade, n’est-ce pas ? » Puis un mot peu aimable : « Vous n’avez pas profité de votre Révolution de 1848. »


À la Wartburg.

Vu des paysages splendides, tout à fait semblables à celui de Sainte-Odile, et selon mon cœur : du vert à profusion, à l’infini, une houle de montagnes boisées, pins et chênes, sous une coupole immobile de nuages, puis sous des éclairs de soleil, les sapins noirs et les jeunes taillis de chênes chacun avec sa couleur ; c’est un incessant pêle-mêle d’ombres et de taches claires, et le bleu du soir qui approche commence à envelopper les lointains. Mais ce vert universel ranime, et les grandes formes des montagnes font une superbe assemblée pleine de vie.

Le château est bien, l’architecture bien restaurée, dans le vrai goût du moyen âge, petites fenêtres carrées de plomb à châssis, l’embrasure soutenue par des cintres qui portent des couples de colonnettes à chapiteaux barbares. Bien entendu pour l’éclairage et l’air, mal pour la pluie ; il fallait et il faut encore des gouttières à l’intérieur. Autre détail excellent : les portes en chêne avec ferrures, d’un bon caractère. — Tout le reste, peintures, fresques, décorations, est mauvais. Dans cette belle longue salle de banquet au second étage, qui donne de tous côtés sur le plus vaste et le plus magnifique paysage, et dont la voûte s’adapte admirablement à la forme du toit qui la couvre, tout est peint d’une façon criarde et barbare : ors, blancs, verts faux, ternes et durs, ors sur rouges et blancs, et formes d’ornements grossières. C’est de la décoration de rustres, qui veulent du voyant et du singulier, et on se demande si les casques et les armures posant de 60 à 100 livres n’avaient pas déprimé les crânes des grands seigneurs.

Figures de grands-ducs sur chaque panneau de la salle de festin, avec ces terribles pieds byzantins du moyen âge. Faire de dessein délibéré des pastiches laids et difformes, est-ce raisonnable ? — C’est le même mauvais goût voyant qu’au château de Salzbourg.

Série de peintures modernes, la vie de sainte Élisabeth, le