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depuis la paix justifierait le moins une admission prochaine. Il serait incontestablement plus naturel de laisser, d’abord, entrer l’Autriche, si elle désavoue la politique de rattachement, la Bulgarie et la Turquie, si elles ont vis à vis de la Grèce, de la Serbie et de la Roumanie une altitude loyale et courtoise. Le tour de l’Allemagne viendra, mais lorsqu’elle aura donné des gages de sincérité et commencé à exécuter le traité sans ces faux fuyants, cet ergotage, et ces continuelles restrictions mentales qui alternent avec les impertinences et les brutalités.

Si, ce mois-ci, à Genève, la question était prématurément posée, MM. Bourgeois, Viviani et Hanotaux, qui représentent, avec éclat, notre pays à la Ligue des nations, sauraient y faire prévaloir la thèse française.

Que va, d’ailleurs, devenir demain cette Société, qui était, sous sa forme actuelle, l’œuvre du président Wilson ? M. Harding, dont les élections américaines assurent la victoire et qui sera, dans quelques semaines, le nouveau Président des États-Unis, subordonnera, sans doute, à des modifications profondes du statut, l’entrée de son pays dans la Ligue. A quelles conditions, d’autre part, conclura-t-il la paix avec l’Allemagne? C’est encore le secret de demain. Mais nous sommes, dès maintenant, assurés que le triomphe des républicains et l’élévation de M. Harding à la Présidence n’altéreront point les amicales relations des États-Unis et de la France. Tout récemment, lorsque M. Herrick annonçait si catégoriquement aux Parisiens le succès de M. Harding, il répétait : « Après cela, vous pouvez être sûrs que tout s’arrangera. » Souhaitons, pour la paix du monde, que M. Herrick ait raison. Des hommes comme lui, qui ont donné à la France des témoignages inoubliables de sympathie, peuvent beaucoup maintenant pour que « tout s’arrange. »


RAYMOND POINCARE.


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