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reçoit l’Angleterre. Nous obtenons un mandat en Syrie, mais la Syrie, où les populations nous appelaient de longue date et où l’Angleterre avait publiquement reconnu notre influence dès 1912, n’est plus qu’une enclave entre la Mésopotamie et la Palestine, qui appartiennent désormais à l’Angleterre. La seule indemnité véritable qui nous soit promise, c’est donc, en réalité, le paiement de nos dommages. Qui peut s’étonner que là-dessus nous ne voulions rien rabattre de nos exigences? Nous savons très bien que l’Allemagne n’est pas en mesure de nous payer en un jour le montant de ce qu’elle nous doit. Mais nous n’admettons pas qu’elle cherche, dans une banqueroute frauduleuse, la libération de ses engagements.

Tandis qu’à Hambourg un de nos attachés de consulat est malmené, en pleine rue, par d’anciens officiers allemands, tandis que, dans tout l’Empire, continue ouvertement la campagne du parti national, en faveur de la révision du traité, le chancelier Fehrenbach tient, devant le Reichstag, un langage hautain et audacieusement hostile à la France. Il ose parler du militarisme français, de l’impérialisme français; il se plaint de notre occupation du Rhin, comme si elle n’avait pas été acceptée par l’Allemagne et comme si elle n’était pas beaucoup plus supportable aux populations de la rive gauche que l’invasion allemande ne l’a été à nos provinces du Nord et de l’Est; et il prend son air le plus sérieux et le plus grave pour prétendre que, faute de combustible, l’Allemagne ferme ses usines et éteint ses hauts fourneaux, pendant que la France regorge de charbon. Le ministre Simons, qui a plus de manières, prend la parole à son tour et commence par dire que l’Allemagne est bien obligée d’exécuter le traité: mais il accompagne cette déclaration de tant de mais et de tant de si qu’à la fin du discours, elle est rongée de restrictions. En réalité, MM. Fehrenbach et Simons chantent, l’un en dièze, l’autre en bémol, deux chansons qui se ressemblent beaucoup et qui se terminent par le même refrain. Retenons notamment que M. Simons soutient que l’aveu des responsabilités allemandes ayant été « arraché » au vaincu ne saurait avoir de valeur légale ; et quand il ajoute, après cela, que les obligations signées par le Reich doivent être exécutées « dans la mesure du possible, » il est aisé de prévoir les manquements que cette réticence est destinée à faciliter. Si nous avions déclaré, en 1871, que nous exécuterions le traité de Francfort « dans la mesure du possible, » M. de Bismarck se serait borné à répondre : « Le possible, c’est ce que vous avez promis. » M. Simons, qui a des métaphores pastorales, nous reproche de vouloir tuer la