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opinion, mes adversaires viennent me combattre, les Chambres prononceront. Voilà la vraie liberté. » En d’autres termes, la liberté, c’est le système parlementaire, et ce n’est que lui.

A la vérité, cette liberté-là en suppose d’autres, mais celles seulement sans lesquelles elle-même ne serait pas, ou serait illusoire. Ainsi le système parlementaire suppose la liberté électorale, car si les élections ne sont pas libres, cette Chambre où se réfugie et où réside toute la liberté n’est qu’un instrument de règne ou un pur rien, et la liberté n’est nulle part. — Et la liberté électorale suppose la liberté de la presse, car la presse est l’intermédiaire nécessaire et le courrier permanent nécessaire entre l’électeur et l’élu, et, sans elle, nullement renseigné ou renseigné faussement sur l’élu, l’électeur n’aurait aucunement l’unique liberté qu’il a, à savoir d’être représenté exactement comme il entend l’être. — Et la liberté électorale et la liberté de la presse conjointement supposent la liberté individuelle, car elles n’existeraient pas, si l’éligible ou l’électeur n’avait pas le droit d’aller et de venir et pouvait être arrêté par mesure administrative.

Et voilà les « libertés nécessaires » du discours de 1864. Elles sont nécessaires, en ce sens qu’elles sont nécessaires au système parlementaire ; mais elles ne sont nécessaires qu’à cause de cela et à ce titre. Et au-delà, il n’y en a pas ou qui soient nécessaires ou qui soient utiles ou qui soient souhaitables. Thiers n’en désire pas d’autres, ni libertés municipales, ni libertés corporatives, ni liberté d’association, ni liberté d’enseignement. La liberté, c’est la Chambre libre et ce qui est nécessaire à la Chambre libre ; rien de moins, mais rien de plus. Les « libertés nécessaires » de 1861 furent considérées alors comme un minimum demandé en attendant plus dans un temps de despotisme. Ce n’était pas un minimum, c’était tout le libéralisme de Thiers ; c’était toute la liberté selon Thiers. C’était le programme, le programme de 1864 comme de 1830. Thiers n’en a eu qu’un, et c’est celui-là.

Il faut faire remarquer cependant qu’il y avait dans ce programme un article latent, mais nécessaire aussi et inévitable, dont Thiers ne parlait pas plus en 1864 qu’en 1830, et pour cause, mais qui y était bien, et dont, tout en n’en parlant point, Thiers montrait très bien et déduisait les conséquences. Le système parlementaire, c’est la liberté ; il suppose la Chambre libre,