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qui les a guillotinés, noyés, mitraillés. Mais le gouvernement qui leur rendra leur culte et leur patrie, qui réparera tout ce qui est réparable, pourquoi le haïraient-ils ? »

Le discours s’achevait par le plus magnifique appel à la paix : « Puisqu’il s’agit de gagner des affections, ne vous résoudrez-vous pas à essayer une fois de la générosité, de la confiance ? Au cri féroce de la démagogie qui a invoqué l’audace, puis l’audace, et encore l’audace, vous répondrez, Représentants du peuple, par ce cri consolateur et vengeur qui retentira dans la France entière : la justice, la justice, et puis encore la justice. »

Cette justice que si noblement invoquait Royer-Collard, on semblait bien près d’y atteindre. Le 21 messidor (15 juillet 1797), les débats furent clos. En dehors des points subsidiaires, deux questions principales furent posées : Abolirait-on les lois de déportation ? Exigerait-on des ministres des cultes une déclaration ? Sur la première question la sympathie des uns, le remords des autres, la pitié de presque tous, amenèrent une sorte d’accord ; et à une immense majorité les décrets de proscription furent abolis. Sur la seconde question, les avis demeuraient divisés et, dans l’assemblée un peu houleuse, les interpellations qui s’échangeaient de banc à banc attestaient l’obstination des divergences. Un premier vote parut douteux. A une seconde épreuve, la majorité sembla décidément acquise au projet de la commission, et le président qui était Henri Larivière proclama que toute promesse était abolie. Le lendemain, le résultat fut contesté. On procéda à l’appel nominal, et il se rencontra alors une faible majorité de six voix pour maintenir le principe de la déclaration.

C’était un échec, et qui jetait une ombre sur la victoire de la veille. Cependant l’assemblée, en statuant sur le principe, avait remis à la Commission le soin de lui présenter le texte à adopter ; et comme celle-ci était notoirement acquise à la liberté religieuse, on ne pouvait douter que la rédaction qu’elle proposerait ne fût de nature à ménager tous les scrupules. Quant à la ratification par les Anciens, elle paraissait assurée. Donc, en dépit de quelques mécomptes, il semblait qu’on touchât enfin a l’émancipation religieuse. Mais déjà se préparait le coup de force qui rejetterait vers le jacobinisme la France assoiffée de paix.