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ébranlée ; mais loin qu’elle le fut, elle a puisé dans la persécution de nouvelles et profondes racines. »

Découvrant ses pensées maîtresses, Royer-Collard continua : Cette obstination des consciences dicte aux pouvoirs publics leur conduite. Il faut que le gouvernement contracte avec la religion une alliance fondée sur l’intérêt d’un appui réciproque, — ou qu’il la détruise, — ou qu’il soit détruit par elle.

Qu’avez-vous à craindre ? poursuivait Royer-Collard. « Elle n’est plus cette antique corporation qui, sous le nom de clergé de France, propriétaire d’une partie des revenus de l’Etat, seule dépositaire de l’enseignement public, tantôt amie, tantôt rivale de la puissance séculière, formait un des ordres de la constitution monarchique. Elle a perdu, dans la Révolution, la vie politique et civile ; ses membres dissous ont essuyé une guerre d’extermination. Parmi ceux qui survivent, les uns languissent dans l’exil, les autres sont dispersés dans les cachots ou épars sur le territoire, disputant la pitié publique aux indigents qu’ils ont nourris, exposés aux outrages ou aux menaces des agents exécutifs à qui des instructions spéciales enjoignent « de désoler leur patience. » Certes, ce serait la plus étrange des inconséquences comme la plus atroce des dérisions que de les accuser de ce qu’ils furent dans ce qu’ils sont, et de soulever contre eux le souvenir d’une puissance si complètement évanouie. »

Précisant l’objet du débat, Royer-Collard le réduisait à deux points : Abrogerez-vous les lois de déportation ? Exigerez-vous des prêtres une promesse ou un serment ?

Pour les lois de déportation, ne semble-t-il pas que le vœu général soit de les abolir ? Une seule objection se formule, celle que les prêtres rentrés soulèveront des troubles. « Mais comptez-vous pour rien la surveillance des lois, la force du gouvernement ? »

Sur le serment, Royer-Collard s’exprimait en ces termes : « Dans un ordre légal qui n’admet pas de magistrature religieuse, le gouvernement a-t-il quelque intérêt à tirer les ministres du culte de la foule des citoyens, pour exiger d’eux seuls une promesse d’obéissance ? Le gouvernement, si je comprends bien, se défie des prêtres parce qu’ils le haïssent. — Soit, ils le haïssent, le gouvernement républicain ; mais lequel ? Est-ce le gouvernement révolutionnaire ? Oh ! oui, je le crois ; c’est celui