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16 avril, on connut les premiers résultats des élections ; ils étaient favorables, et la grande solennité chrétienne fut fêtée dans l’allégresse. Puis les nouvelles, d’abord vagues, se précisèrent ; on sut les noms des élus ; les plus experts ébauchèrent des pointages. Décidément, on tenait la victoire. Alors les espérances s’exaltèrent, et à tel point que, dans le Morbihan, on organisa une quête pour fréter un navire qui irait chercher en Espagne les prêtres déportés.


II

Le 1er prairial (20 mai 1797), les nouveaux députés prirent séance, les uns au Manège où siégeaient les Cinq Cents, les autres aux Tuileries où étaient installés les Anciens. Ils se comptèrent. Jadis, par une cynique violence, les Conventionnels avaient tenté de se perpétuer. Contre l’usurpation, le pays avait protesté une première fois, et, puisque les choix n’étaient libres que pour un tiers, avait voulu du moins que ce tiers fût pris parmi les modérés. Voici qu’au premier tiers, un second tiers s’ajoutait, composé, lui aussi, d’hommes de bon vouloir, avides d’ordre, de justice, de liberté. Désormais, le Directoire, sévèrement contenu, serait contraint de se transformer ou d’abdiquer, à moins qu’il ne se sauvât par un coup de force pire que la violence même qui avait, dix-huit mois auparavant, prorogé le mandat des Conventionnels.

Dans l’une et l’autre enceinte, le spectacle ne laissait pas que d’être suggestif. Les survivants de la Convention, naguère insolemment étalés, se resserrent, se pelotonnent, tout étonnés que la puissance du nombre leur échappe et, avec elle, la faculté d’être injustes impunément. Ils observent les nouveaux arrivants. Quelques-uns surprennent, tant ils semblent venus de loin : tels Fleurieu, ministre de la Marine sous Louis XVI ; le chevalier de Murinais, maréchal de camp dans les armées de la monarchie ; Tronson-Ducoudray, naguère l’avocat de Marie-Antoinette ; Quatremère de Quincy, l’un des membres de la droite à l’Assemblée législative. Du milieu de ces groupes, deux jeunes hommes se détachent, peu connus encore et qui bientôt seront l’honneur du parti libéral : Camille Jordan, Royer-Collard. Cependant, parmi les élus, deux surtout attirent les regards : Pichegru, le vainqueur de la Hollande ; Jourdan, le vainqueur de Fleurus, l’un et