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Elles avaient été républicaines si nettement que des départements réactionnaires jusqu’alors, et redevenus depuis réactionnaires, avaient nommé des républicains. Jamais la France ne fut plus républicaine qu’en juillet 1871. Dès lors, il n’y avait qu’à s’incliner devant « la force des choses, » représentée par la volonté nationale, très indiscutable, d’un côté, de l’autre, et encore plus, par l’impossibilité où étaient trop visiblement ceux qui n’étaient pas républicains de s’entendre sur le choix d’un roi. Thiers fut formellement républicain à partir de ce moment-là. Il suffisait de se rendre compte de la situation pour l’être.

Il se fit donner par la Loi Rivet le titre de Président de la République, avec cette clause un peu singulière et unique dans l’histoire de nos constitutions que les pouvoirs du Président ne cesseraient, sauf démission de sa part, qu’avec ceux de l’Assemblée. C’était partie gagnée. Il n’avait plus qu’à laisser agir le temps. Chaque élection partielle lui amenait un contingent républicain : les monarchistes dussent-ils réussir à s’entendre, ils ne pouvaient le renverser qu’en dissolvant l’Assemblée, c’est-à-dire en se renversant eux-mêmes sans retour, les élections générales devant être assurément républicaines. A partir de la Loi Rivet, Thiers n’avait qu’à administrer et attendre. Il n’en fit rien. Il voulut passer du fait au droit et proposer à l’Assemblée une Constitution définitivement républicaine. Ce fut une faute considérable. Thiers a eu de l’impatience dans le caractère jusqu’à la fin de sa vie. Il faut dire aussi qu’il avait sans doute une idée à laquelle il tenait fort. Il voulait très probablement que ce fût l’Assemblée de 1871 qui fit la Constitution, précisément parce que cette Assemblée n’était pas très républicaine. Aller avec l’Assemblée jusqu’à ce que celle-ci mît fin à ses pouvoirs, et revenir avec une nouvelle Chambre, c’était peut-être risquer de se trouver en face d’une Constituante qui eût établi, par exemple, le gouvernement d’une Chambre unique. Tâcher de faire voter la Constitution républicaine par l’Assemblée de 1871, c’était avoir des chances d’établir une Constitution à peu près telle qu’il la voulait. Ce qui le prouve assez, c’est que ce fut précisément cette Assemblée, après la retraite de Thiers, et après l’échec définitif des espérances monarchiques, qui fit la Constitution ; et elle la fit très analogue à celle que Thiers eût probablement désirée. Mais ceci même