Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 60.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la rencontrait devant lui, il l’annihilait. Donc se placer sur le nouveau terrain constitutionnel, accepter et pratiquer la république parlementaire, repousser, comme contraire au « programme, » le président nommé par la nation, et former au sein de l’assemblée un parti de républicains conservateurs, destiné, la Législative l’a montré, à s’accroître très rapidement, c’était là ce qu’on pouvait attendre de Thiers, et il y avait là de grands services à rendre. Au lieu de cela, par horreur des radicaux, il fut de l’opposition extrême, qui voulait détruire. Il fut favorable à la candidature du prince Louis, il fut favorable à la réduction du suffrage universel, qui mettait une arme aux mains du président-prétendant, en ce que celui-ci pouvait, quand il le voudrait, se donner comme le restaurateur du suffrage populaire et des droits du peuple. Thiers n’a pas dû se féliciter plus tard de son rôle sous la seconde République.

L’Empire se fit, qu’il avait prévu et prédit trop tard. La politique du Second Empire fut pour Thiers un sujet de stupéfaction. A l’intérieur, toutes les « libertés nécessaires » restreintes ou suspendues, le système parlementaire annulé, la responsabilité ministérielle supprimée, c’est-à-dire tout ce que les peuples modernes peuvent supporter de despotisme installé fortement, avec la complicité du suffrage universel, du reste impuissant, étant donnée l’irresponsabilité des ministres, à exercer autre chose qu’une pression morale. A l’extérieur, le libre échange et la « politique des nationalités. »

Cette politique des nationalités dont, à cette époque, le gouvernement et aussi l’opinion publique en France se sont absolument entêtés, était la chose la plus confuse du monde. Le principe, — car cela aussi était un principe, — le principe des nationalités pouvait être pris de bien des façons. Il pouvait être question de petites nationalités ou de grandes. S’il s’agissait de petites, c’était, dans chaque nation constituée de l’Europe, l’esprit particulariste à réveiller ; Pologne, Bohême, Croatie, Hongrie, Irlande à provoquer à l’autonomie. C’était toute l’Europe qu’on mettait encore une fois contre nous. S’il s’agissait de grandes nationalités, cela devenait l’idée « des grandes agglomérations. » Panslavisme, pangermanisme, panitalisme. Dans ce cas, c’était souhaiter un remaniement de la carte de l’Europe où la France, déjà amoindrie, tomberait, par l’agrandissement